lundi 31 mars 2008

La Bonne Nouvelle.


Aujourd'hui, les chrétiens fêtent l'Annonciation: l'ange Gabriel rendant visite à Marie et lui annonçant qu'elle va mettre au monde un enfant.

Depuis plus de trente ans, j'ai entamé une collection de reproductions (cartes postales et photos essentiellement) sur ce thème. L'idée m'en est venue pendant des vacances au Cap Ferret, près d'Arcachon, où la villa qu'on nous avait prêtée possédait un dictionnaire grâce auquel j'ai découvert, en le feuilletant, le tableau de Maurice Denis. J'ai pris ma décision à ce moment-là, je ne sais toujours pas pourquoi.

J'en possède aujourd'hui plusieurs centaines, savamment répertoriées dans d'énormes classeurs qu'hélas, je n'ouvre plus guère. J'ai aussi noté sur des cahiers à part toutes celles que j'ai repérées lors de mes voyages et qu'il m'a été impossible d'obtenir en reproduction, soit parce qu'il était interdit de photographier, soit parce que la carte postale correspondante n'existait pas.

Si mon premier mouvement a été celui d'un collectionneur, d'un amasseur, d'un thésauriseur remplissant pochettes et cartons, j'ai, au moment où le classement s'est avéré indispensable pour éviter la noyade, réfléchi un peu plus à ma démarche. Pourquoi l'Annonciation et pas la Nativité, si répandue elle aussi, ou alors le Martyr de Saint Sébastien, que les homos aiment tant?

Je crois que c'est parce que ce moment de l'Annonciation est celui où tout bascule, non seulement pour Marie, mais pour tout l'Occident. Avant les paroles de l'ange, le monde est un monde ancien, où les civilisations se sont succédées, côtoyées, s'imposant ou se volant les unes aux autres des divinités et des croyances aux mille aspects mais finalement toutes semblables.

L'ange annonce le nouvel univers, où la relation à Dieu ne sera plus celle de la crainte mais de l'amour, où la divinité passera par la chair, pour être, un temps, notre semblable. Il n'est qu'à voir l'effroi peint sur le visage de Marie dans les tableaux de nombreux peintres pour se rendre compte de l'abîme de lumière qui s'ouvrait devant elle et devant l'humanité, lumière aveuglante dans laquelle elle a peur de pénétrer. Ce point ultime, ce moment unique de non-retour me fascine encore aujourd'hui.

De plus, en décidant cette collection, j'ai été amené à être plus attentif lors de mes visites de musées, en Italie en particulier. Pour moi, la peinture occupait dans les arts une place largement mineure par rapport à celles, prépondérantes, de la littérature et de la musique. L'Annonciation étant un thème académiquement assez figé tout au long des siècles, les peintres ne pouvant guère innover sur l'essentiel, sauf, rarement, à échanger la place des deux protagonistes (Marie à droite et Gabriel à gauche), ils s'en sont souvent donné à coeur joie dans les détails composant le décor.

Bien sûr, la fenêtre, ou la baie, est largement ouverte sur la campagne florentine où s'éparpillent ruines antiques et châteaux sévères, mais, accoté à la colonne tronquée, un berger conte fleurette à une jeune paysanne ma foi fort joyeuse; bien sûr, le centre du tableau est occupé par une colonne ou un vase de lys, sensé représenté la barrière entre l'univers profane et le monde sacré, mais le chat au pied de la Vierge joue avec une pelote de laine échappée des mains de Marie sous le coup de la frayeur et, dans la pièce voisine, une servante bassine un lit à l'édredon rembourré, ... Tout un microcosme vit et gravite autour du "drame" qui se joue à quelques pas, ne se doutant pas de l'importance du moment.

Je me suis ainsi ouvert à la peinture, d'abord essentiellement primitive et exclusivement italienne, puis plus universelle dans son espace et dans son temps.
A noter, pour finir, que le tableau de l'Annonciation présente souvent la première apparition du Christ, sur la gauche, figuré parfois par un minuscule bébé supporté par la colombe de l'Esprit-Saint. Sa dernière sera, il me semble, lors du Noli Me Tangere et là, le Christ sort du tableau par la droite, parachevant sa destinée terrestre. Une vie pour traverser la toile (et de gauche à droite, bon augure chez les Antiques).

3 commentaires:

Patrick a dit…

"le Martyr de Saint Sébastien, que les homos aiment tant?"
C'est drôle, je n'y avais jamais pensé, mais cette affirmation me paraît d'emblée tout à fait vraie. La flèche comme symbole phallique, transperçant un corps d'homme presque nu ?

Pour ma part, même si je ne les collectionne pas, je préfère toujours les représentations de Saint Jérôme. Bizarre. C'est grave, docteur ?

Anonyme a dit…

J'ai lu hier ce message. Sorti mon encyclopédie du protestantisme, repris le chapitre sur l'iconoclasme ; puis je me suis attardée sur une bible et le texte, écrit à la plume, de la première page :"La dernière parole du Christ, avant d'entrer en agonie, articule ce nom encore jamais prononcé qui met la mort tout près de la naissance : "Voici ta mère". Pâques et Noël sont le même jour, où tremblent l'amour et sa secrète victoire, déjà". (Marie - Desclée de Brouwer). Je voulais faire une autre recherche, pour mieux répondre à votre message, mais le temps, toujours le temps ...

Calyste a dit…

Patrick: rien de grave, ne t'inquiète pas. L'important, c'est de préférer.
Anna: si vous avez le temps de chercher encore, dites-moi vos trouvailles, ça m'intéresse. Merci.