lundi 19 janvier 2009

Rhabillez-vous.

Un jour, très tôt, votre mère, ou quiconque en tient le rôle, vous met sur le dos des vêtements qu'elle pense être les plus appropriés à ce que vous êtes. Souhaitons que son choix soit le plus judicieux car ces vêtements-là, vous ne les enlèverez plus jamais. Votre vie durant, ils vous colleront à la peau comme ces tuniques antiques que préparaient magiciennes ou centaures.

Vous pouvez en adopter d'autres par dessus, qui vous auront paru plus seyants, plus vrais ou simplement plus à la mode, mais les nouveaux tissus passeront, terniront, s'useront et peu à peu réapparaîtront à travers la trame les couleurs, les motifs, les formes des anciens. Essayez souvent de renouveler l'expérience. Rien n'y fait: les habits de rechange ne vous iront qu'un temps, alors que les tout premiers au pire seront froissés mais ressurgiront toutes les fois comme neufs.

Et si, désespérés de ne parvenir à les cacher ou, s'ils sont momentanément cachés, de ne jamais pouvoir oublier leur présence sous la mince pelure des autres, vous tentez de les arracher, comme les tuniques antiques ils ne font tellement qu'un avec votre peau, avec vous-même, que, tel Midas écorché vif, vous n'airez plus de vous qu'une vision sanguinolente de corps martyrisé. Et vous mourrez.

Auparavant, dans le meilleur des cas, vous aurez entendu votre mère, ou quiconque en tient le rôle, reconnaître à regret que, finalement, elle n'avait pas fait pour vous le meilleur choix.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

IL y a certainement une part de vrai bien que je ne partage pas entièrement ton avis. Parce qu'une fois qu'on a constaté cela, qu'est-ce qu'on en fait à part de passer une partie de sa vie à reprocher les faits à ses parents.
Il foit être un âge où on se prend en main. Pour de bon, pas au travers de déguisements.

Patrick a dit…

Vaste sujet. Je comprends la remarque précédente tout en doutant qu'un tel âge existe. Il ne s'agit pas non plus de reprocher quoi que ce soit à qui que ce soit... Déjà, vivre avec - ce ne sera pas si mal.

Très beau texte ! très belle manière de dire !

Anonyme a dit…

Contrairement à une croyance très répandue, ce n'est pas en tuant ses parents que l'on devient adulte, mais en tuant l'enfant de ses parents. Une cible beaucoup plus difficile à atteindre.

J'avais commencé la lecture de ta note sans comprendre la métaphore. Au fait, métaphore y a-t-il ? Parce que c'est vrai aussi, à 100%, pour les vêtements, les habits. les vrais.

Calyste a dit…

Avis partagés mais proches finalement. Moi, je crois que nous ne sommes en grande partie que ce que les autres nous font, malgré tous les efforts que nous faisons (et que, bien sûr, nous devons faire, Olivier).
Belle formule, Lancelot, et qui n'est pas qu'un jeu de langage.