dimanche 13 avril 2008

Empreinte digitale.

Parler d'un livre de Erri De Luca, c'est déjà faire preuve d'une grande outrecuidance. De tels livres se lisent, se méditent, se rêvent, mais ne se parlent pas. Aligner des mots sur Noyau d'olive est pure folie.

L'auteur, non croyant (il s'en explique magnifiquement dans la préface), fréquente chaque jour l'Ecriture sainte dans la langue des prophètes, l'hébreu ancien. De certains passages, s'appuyant sur le sens d'un mot, sur sa sonorité ou sa spécificité selon les textes synoptés (ce mot existe-il?), il fait un commentaire, une digression, citant de vénérables rabbins aux exégèses contradictoires ou successives, et toujours, lui, présent derrière les mots. Car c'est bien de lui qu'il ne cesse de parler, de ces questionnements, de ces intuitions, de ses doutes et de ses refus. Certains paragraphes sont ardus à la lecture: on ne comprend pas tout du premier oeil. Il faudra sans doute, y revenir, lire encore plus lentement, aller chercher le passage dans la Bible, s'en imprégner, peut-être apprendre l'hébreu... Je relirai ces pages, je ne les ai pas épuisées.

Je parle de Dieu à la troisième personne, je lis des textes sur lui, j'entends parler de lui et je sens que d'autres vivent de lui (je demande qu'on me laisse la caractère minuscule de "lui". Celui qui ne croit pas n'a pas le droit d'employer la majuscule). Les volontaires catholiques qui m'ont emmené avec eux pendant cinq ans comme chauffeur de convois humanitaires en Bosnie vivent de ce "lui". Près d'eux, je remarque, j'expérimente cette invocation simple, cet orient qui protège même quand il angoisse. J'écris ces mots sous leur ombre. Je parle de Dieu à la troisième personne parce que je lis son nom dans les histoires sacrées, tous les jours. Je suis un témoin indirect: je vois les mots de l'Ancien Testament impossibles à réduire à l'oeuvre de plusieurs auteurs, je vois les vies de mes amis catholiques impossibles à réduire à leur bon naturel ou à leur volonté, mais marquées d'une empreinte digitale. Avec tout ça, je reste un homme qui parle de Dieu à la troisième personne. Mon pied bute chaque jour sur cette pierre qu'est la prière, je ne peux l'enjamber, car la prière est le seuil.
(Trad. de Danièle Valin).

Et aujourd'hui, ces pages m'ont éclaboussé. C'est dans mes questions que se situe ma vérité, ce n'est pas dans la recherche d'hypothétiques réponses que je trouverai ma sérénité. Il faut, je crois, que j'aille dans ce sens, pour enfin passer le seuil et entrer dans la chaleur de la salle commune.

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