lundi 13 mars 2023

La pauvre Fleur

La pauvre fleur disait au papillon céleste 

— Ne fuis pas ! 

Vois comme nos destins sont différents. Je reste, 

Tu t'en vas ! 

Pourtant nous nous aimons, nous vivons sans les hommes 

Et loin d'eux, Et nous nous ressemblons, et l'on dit que nous sommes 

Fleurs tous deux ! 

 Mais, hélas ! l'air t'emporte et la terre m'enchaîne. 

Sort cruel ! 

Je voudrais embaumer ton vol de mon haleine 

Dans le ciel ! 

Mais non, tu vas trop loin ! — Parmi des fleurs sans nombre 

Vous fuyez, 

Et moi je reste seule à voir tourner mon ombre 

À mes pieds ! 

Tu fuis, puis tu reviens, puis tu t'en vas encore 

Luire ailleurs. 

Aussi me trouves-tu toujours à chaque aurore 

Toute en pleurs ! 

Oh ! pour que notre amour coule des jours fidèles, 

Ô mon roi, 

Prends comme moi racine, ou donne-moi des ailes 

Victor Hugo, Les chants du crépuscule

2 commentaires:

Cornus a dit…

Très joli, je ne connaissais pas.
Et il y a là dedans des choses justes sur le plan scientifique : la coévolution entre les plantes à fleurs et les papillons qui les pollinisent.

Calyste a dit…

Cornus : je trouve aussi, et je ne pensais pas que Hugo avait écrit des poèmes de ce genre.