lundi 23 janvier 2023

Ma Bohème

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870)

4 commentaires:

Valérie de Haute Savoie a dit…

Oh là là que j'ai aimé ce poème !

Calyste a dit…

Valérie : ah ! Rimbaud !

Cornus a dit…

J'ai l'impression de connaître...

Calyste a dit…

Cornus : tu es certainement tombé dessus un jour ou l'autre.