vendredi 8 janvier 2016

Animaux des religions (3) : le boeuf

A dire vrai, plutôt le taureau. Pour cet animal, les références ne manquent pas. Si je voulais être un tant soit peu exhaustif, il me faudrait des pages.

En commençant par les hommes préhistoriques et l'art paléolithique ( en particulier Lascaux) qui en fournit de nombreux exemples dans l'ornementation des grottes.

Chez les Égyptiens, il était adoré sous le nom d'Apis, symbole de la force et de l'énergie créatrice, de la fécondité. De même chez les Egéens et les Crétois.

Pour les Grecs et les Romains, il était l'animal principal des sacrifices, noir pour Poséidon, Neptune, Pluton et les divinités infernales. Pour Apollon, on allait même jusqu'à lui dorer les cornes. A la même époque, le culte à Mithra représente ce jeune homme coiffé du bonnet phrygien et agenouillé sur l'animal renversé, en train de plongé un poignard dans le cou de l'animal. Cette scène symbolise la régénérescence du monde.

Les légendes sur le taureau sont pléthore dans les mythologies antiques. Zeus, roi des dieux, s'éprend de Io, une prêtresse de son épouse Héra, qu'il séduit puis, pour éviter la colère de la déesse, transforme en génisse blanche. Harcelée par Héra qui n'est pas dupe, Io s'enfuit et parcourt une mer que l'on nomme depuis Ionienne, avant de traverser le Bosphore, étymologiquement "passage de la vache".

Le divin séducteur, toujours lui, s'éprend aussi d'Europe, fille du roi de Tyr en Phénicie (Liban actuel). La voyant sur une plage de Sidon, Zeus, pour ne pas l"effrayer, se transforme en taureau blanc afin de la séduire et de se cacher d'Héra. Il fait monter la jeune fille sur son dos et l'emmène jusqu'en Crète où il s'unit à elle après avoir pris forme humaine. Nous devons à cette jeune fille le nom de notre continent, l'Europe.

Un des descendants d'Europe et de Zeus sera Minos, roi de Crète, et l'histoire ne s'arrête pas là. La femme de Minos, Pasiphae, s'éprend d'un taureau et s'accouple avec lui. De leur union naît un monstre, Le Minotaure, que Minos enferme dans un labyrinthe construit par l'architecte athénien Dédale. (Juste pour le plaisir, cet alexandrin de Racine, dans Phèdre, que j'ai toujours trouvé magnifique : La Fille de Minos et de Pasiphae.)

En dehors de sa nécessité pour le renouveau de la nature, le sacrifice du bœuf est indispensable chez les Grecs à la bonne entente entre les dieux et les hommes. Les "bouphonies" (rituel sacrificiel du bœuf) voyaient les acteurs du rituel se renvoyer la responsabilité d'un meurtre collectif pour, en fin de compte, accuser.... le couteau.

Le sacrifice du taureau ("tauroctonie") remonte aux plus ancien mythes iraniens et, jusqu'au culte à Mythra, est relié aux mythes de la fondation et du renouvellement du monde, puis se recentre comme preuve de virilité lorsque les légions romaines s'emparent de ce culte.

On peu aussi rappeler qu'à l'origine, en Grèce antique, une hécatombe est un sacrifice religieux de cent (hécaton) bœufs, mais les cités moins fortunées pouvaient en sacrifier moins, ou en sacrifier un seul en complétant avec 99 victimes de moindre coût.

Enfin, plus "proche" de nous, l'Ancien Testament nous montre, dans l'épisode de Caïn et Abel,  Dieu offusqué de ce que Caïn, le paysan,  lui offre seulement des fruits de la terre alors qu'Abel, le berger, lui consacre les premiers nés de son troupeau de moutons et leur graisse. Réminiscence des temps où seul le sacrifice d'un taureau honorait les dieux

4 commentaires:

Cornus a dit…

Tu m'as fait me rappeler la sculpture assez monumentale de Mithra (II-IIIe s. ap. J.-C.) qui se trouve au Louvre-Lens. Je ne sais plus si je l'avais montrée en photo (mais je sais que je l'avais photographiée il y 2-3 ans.

Jean-Pierre a dit…

Bel exposé ! et je viens de vérifier : le mot "bouphonie" des sacrifices rituel, est bien à l'origine de "bouffon" et "bouffonnerie" ! mais quel lien existe t-il entre le sacrifice d'un bœuf et l'amuseur d'un roi ??

plumequivole a dit…

Aïe ! Je m'apprêtais justement à faire une plaisanterie à deux sous à propos de bouffon, je n'ose plus !

Calyste a dit…

Cornus : à Rome, la basilique Saint-Clément comporte trois "strates" d'époques différentes dont la plus ancienne abrite entre autres un temple à Mithra.

Jran-Pierre : je pense que cela vient de l'idée d'accuser le couteau, qui est en soi une belle bouffonnerie.

Plume : j'ai découvert ça en cherchant de la doc. Je ne le savais pas.