jeudi 19 avril 2012

Au fil des rues (1)

Lorsque je vins à Lyon, à l'Université, je ne pouvais pas manquer de remarquer ce bâtiment imposant à quelques pâtés de maisons de la Faculté des Lettres. Situé à l'intersection des rues de Marseille et de l'Université, dans le septième arrondissement, le garage Citroën a été construit entre 1930 et 1932 sur les plans de l'architecte en chef de la firme automobile, Maurice-Jacques Ravazé. Ses six niveaux abritent 40.000 m2 de surface utile. Depuis cette époque, il appartient toujours à la même entreprise. Même dans son état actuel, assez proche de l'original, il donne une excellente idée de ce que furent en leur temps les palais de l'automobile à l'américaine. Il fut classé en 1992 à l'ISMH (Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques).

C'est à ses pieds que se déroula pour moi, il y a quelques années, un incident anodin qui aurait pu tourner au vinaigre. Alors que, vers minuit, je rentrais en voiture chez moi, arrêté au feu, j'aperçus, dans le véhicule voisin, un ami pas vu depuis longtemps. Nous nous arrêtâmes quelques instants pour bavarder, heureux de nous retrouver. A ce moment-là, arriva sur le trottoir d'en face, un homme passablement éméché qui, en traversant la rue de Marseille, s'effondra, inconscient, sur la chaussée. Pour lui éviter d'être heurté par une voiture, nous le prîmes, mon ami et moi, l'un par les pieds, l'autre par les bras, pour le déposer sous l'auvent d'une station essence qui existait à l'époque à cet endroit. Visiblement, l'homme était complètement saoul et n'avait besoin que d'un peu cuver son vin avant de repartir. Il pourrait ainsi, là où nous l'avions mis, le faire en toute tranquillité.

Après les vacances scolaires, j'eus, à mon retour à Lyon, un coup de téléphone de mon ami qui me demanda si je me souvenais de ce que j'avais fait dans la nuit du tant au tant (soit bien deux mois auparavant). Comme je commençais à douter de son sérieux devant l'incongruité d'une telle question, il m'expliqua l'affaire: une femme nous avait aperçus de sa fenêtre pendant que nous transportions le poivrot à l'abri et avait téléphoné à la police, assurant que nous avions projeté le corps de notre voiture avant de nous enfuir. Il me fallut prendre rendez-vous avec un commissaire de police pour lui expliquer exactement ce qui s'était passé. Ce que mon ami avait oublié de préciser dans sa déposition, c'est qu'il y avait ce soir-là un autre témoin dont, moi, je me souvenais: un chauffeur de bus qui rentrait au dépôt et, nous voyant ployer sous le poids de l'homme, avait proposé de nous aider dans notre tâche salvatrice. L'affaire n'alla heureusement pas plus loin et nous n'en entendîmes plus jamais parlé. J'eus tout de même un moment de frayeur rétrospective en imaginant ce que cela aurait donné si ce pauvre type était mort pendant la nuit...



A quelques pas de là, rue d'Anvers, ce petit garage d'angle est, malgré son nom, plus près de la démolition que du classement !

3 commentaires:

Didier M a dit…

Rétrospectivement ça me fait froid dans le dos. heureusement tout s'est bien terminé mais aprés 40 ans de pratique de la justice, le seule leçon que j'en tire, c'est qu'il ne faut jamais avoir affaire à elle.

Cornus a dit…

Ton histoire de poivrot, cela fait effectivement très peur. Il y a un oeil derrière chaque arbre pour dénoncer des innoncents.

Calyste a dit…

Didier: la seule fois, la seule fois, et j'espère bien que ce sera la dernière.

Cornus: le commissaire m'a lui-même confié à la fin de l'entrevue que c'était une femme un peu dérangée coutumière du fait.