mardi 1 janvier 2008

Cette place est libre?

Petite attente à la gare de la Part-Dieu, dans le froid. Je déteste arriver à la dernière minute. De plus j'aime bien observer les voyageurs et me placer sur le quai en tentant d'éviter au maximum les familles avec enfants en bas âge, les excités et autres voisins gênants et en choisissant au mieux mes futurs compagnons de voyage. Mais, contre toute attente, ce soir, le quai est presque désert.

Au moment de s'installer dans le convoi, rien n'est indiqué sur les panneaux lumineux. J'entre dans un compartiment du TER, immédiatement suivi par un beau jeune homme au visage chaleureux et souriant qui me demande si ce train va bien à Annecy. Il ne nous reste plus qu'à l'espérer ensemble.

Arrive bientôt un troisième larron, plus brun, plus viril, beau aussi, différemment. Il me sourit, me demande si "cette place est libre" et si ce train va bien à Annecy. Et de trois! La légèreté de la SNCF a l'avantage de détendre l'atmosphère de ce wagon: nous commençons à bavarder comme si nous nous connaissions depuis beaucoup plus que cinq minutes.

Enfin au bout de très peu de temps, deux nouveaux font leur apparition: deux italiens, beaux comme des italiens (et j'aime les italiens), qui s'installent et me font la joie de s'entretenir dans leur langue natale. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que je comprends. En fait, rien de passionnant: voitures et kilomètres.

Ce qui est passionnant, c'est le visage de celui qui s'est assis presque en face de moi, et dort maintenant, le portable à la main. Un visage d'une finesse extrême: menton léger et profilé, nez fin à l'arête précise et aux ailes un peu moites, cils (ah! les cils) ombrant la paupière, sourcils bien dessinés, géographie bleutée de sa barbe naissante, et, sur la nuque, un fin duvet noir qui me chavire.

J'ouvre mon livre et me mets à lire. Je suis bien entouré, ils ne s'en iront pas. Je le vérifie régulièrement, passant du plaisir des mots (admirable roman de Wallace Steigner, dont je parlerai bientôt) au plaisir des yeux.

Tout est bien. Aujourd'hui, le monde est en ordre.

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