mercredi 30 janvier 2008

Festina lente

Écrire fatigue. Je le savais mais n'imaginais pas à ce point.

Être tous les soirs assis devant son ordinateur en essayant de dire du mieux possible ce que l'on a à dire relève d'une vraie gymnastique intellectuelle. D'abord, si en général les sujets viennent bien, il faut parfois se faire violence pour démarrer les billets. C'est un peu comme la course à pieds: le départ est souvent rude.

Puis les mots coulent,on oublie les réticences des premiers instants. Il faut même parfois endiguer le flot de ces mots, ne pas se laisser emporter par trop de facilité, prendre garde aux clichés, surveiller que la pensée ne se gauchisse pas d'elle-même, serrer cette pensée au plus près, en cherchant la précision et la clarté du lexique et des tournures.

Il faut ensuite revenir sur son ouvrage, le polisser sans cesse et le repolisser et suivre les conseils du vieux Boileau:

Surtout qu'en vos écrits la langue révérée
Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.
En vain vous me frappez d'un son mélodieux,
Si le terme est impropre ou le tour vicieux(...)
Et ne vous piquez point d'une folle vitesse:
Un style si rapide, et qui court en rimant,
Marque moins trop d'esprit que peu de jugement.(...)
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage (...).
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
(Boileau, L'Art Poétique, Chant I, v.155 à 174)

Ces vers n'ont pas pris une ride. Et, sans vouloir faire oeuvre littéraire, j'essaie au moins de suivre leurs conseils, par respect pour la langue. Il est des soirs où je suis content, d'autres moins.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Votre billet parle de la technique et de sa maîtrise.
Vous êtes l'artisan de votre écriture que je lis chaque jour.
Votre style et son contenu me touche infiniment.
Votre message me donne l'occasion de vous le dire et me taire aussitôt.
Merci.

Anonyme a dit…

me touchent *

Patrick a dit…

Polir son ouvrage pour en gommer des aspérités ; le policer pour le rendre conforme à la syntaxe et plus civilisé.
Bien qu'inconnu de mon dictionnaire, le verbe "polisser" semble exister, si j'en crois une rapide recherche sur la toile - chez Voltaire, peut-être... ou chez Boileau même ? Pourrais-tu m'éclairer ? Quel inculte je fais...

Patrick a dit…

Benh oui, Boileau : bouh ! On ne m'a jamais appris ça à l'école !

Calyste a dit…

La citation que je fais est tronquée. Voici le passage en question:
"Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage:
Polissez-le sans cesse et le repolissez;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez."
Mais tu as raison: je n'ai jamais rencontré ce verbe ailleurs, en tout cas je ne m'en souviens pas.

Patrick a dit…

En ce cas, je continue de m'interroger, Calyste. Ne s'agit-il pas chez Boileau de la forme impérative du verbe "polir" à la deuxième personne du pluriel ? Mon doute sur l'existence du verbe "polisser" s'en trouve accru.

Anonyme a dit…

"Sois courageux, polis ton ouvrage et fais preuve de rigueur et aussi de courage avec ta composition française". C'est un mot que j'utilise souvent et qui symbolise le travail bien fait. Comme le maçon avec sa truelle, qui passe et repasse mille fois sur le ciment pour le façonner et obtenir un lissage aussi parfait que possible. Qu'on peut toucher du bout des doigts sans qu'aucune aspérité n'apparaisse ; juste sentir le grain de l'enduit. Polir, polisser, polisseur, polisson, et puis politesse emprunté à l'italien "politezza" qui signifiait d'abord propreté, puis "élégance et raffinement" en parlant d'oeuvre d'art, de culture et de civilisation. "Revenir sur son ouvrage, le polisser sans cesse" c'est du beau travail.