lundi 11 février 2013

Charmer, avant tout

Ce qui m'amuse le plus dans mon métier, et sans doute ce qui va le plus me manquer, c'est le charme. Non, pas celui de mes collègues, hommes ou femmes, qui, pour la plupart, en sont totalement dénués. Le charme que je m'amuse comme un petit fou à exercer face à ceux qui pourraient se montrer hostiles.

Les élèves, d'abord, que j'accueille en début d'année avec la mine d'un bouledogue et l'humeur qui va avec. Et puis peu à peu, je desserre les cordes, au détour d'une phrase, je lance une plaisanterie. D'abord, ils ne comprennent pas que c'en est une: ils n'ont pas l'habitude. A la deuxième, tout aussi inattendue que la première, quelques-uns lèvent la tête et me regardent avec des yeux interrogatifs, cherchant à deviner ce qu'il y a réellement derrière mes lunettes. Lorsque le premier sourit, c'est gagné. Ensuite, il reste juste à leur faire comprendre que c'est moi, et moi seul, qui décide du moment où l'on s'amuse.

Mais surtout les parents, les mères, qu'à de rares exceptions près, j'ai toujours su embobiner. Même les plus revêches, même les plus froides. Je me souviens de cette femme de consul qui, il y a de nombreuses années, avait réussi à me ficher en l'air une réunion de rentrée. Elle n'a pas eu l'occasion de le faire deux fois. Elle aussi a succombé et même, la dernière fois que je l'ai vue, dans un couloir, cette année, en compagnie d'une autre que je connais au point de lui faire la bise, j'ai eu la surprise de l'entendre en réclamer une pour elle aussi.

Mon secret: l'humour. Bien peu y sont insensibles, les femmes surtout. Alors qu'avec les maris, j'ai plus de mal. Sans doute parce que le rapport viril se caractérise presque toujours par la mise en place inconsciente d'une compétition. Ou parce que, avec eux, j'ai l'esprit moins clair, attentif que je suis à des tempes argentées ou au timbre d'une voix mâle. Ou pour protéger ma carapace...

8 commentaires:

Cornus a dit…

Comme tu l'as relaté dans plusieurs notes, dont une récente, on avait bien compris qu'avec les parents, tu étais un fieffé manipulateur ! Bravo.
Quant à la façon de t'y prendre avec les élèves, il me semble que si j'avais dû enseigner, j'aurais sans doute appliqué une stratégie assez proche de la tienne.

plumequivole a dit…

Ah, charmer...un des plus grands plaisirs de l'enseignant ! Un de ceux que je regrette en tout cas. J'adorais me mettre les stagiaires dans la poche, deviner ce qui allait plaire à chacun et faire mon petit numéro en conséquence.
C'est drôle ce que tu dis sur l'impact de l'humour sur femmes ou hommes. Pour moi c'était le contraire, je trouvais la plupart des étudiantes imperméables à mon humour (assez noir il faut avouer), voire hostiles. Mais les très rares qui y répondaient sont devenues des amies par la suite.

P. P. Lemoqeur a dit…

Charmer, étymologiquement c'est chanter... Charme vient de carmen... A son tour et c'est pas un hasard Carmen séduit Don José en chantant sa séguedille:"Sous les remparts de Séviiiiiiiiiiiiilles..."
Pour ce qui est de charmer un groupe, de surcroit des enfants, la plus belle histoire est celle du 'Joueur de Flûte de Hameln"...

Fromfromgirl a dit…

Je suis tout à fait d'accord avec toi sur la façon d'aborder les élèves. C'est ce que j'essaye de mettre en place tous les ans. Et quand ça marche, c'est génial !

Laplume > je suis au rang des deuxièmes, parce que ton humour, je suis toujours preneuse !?! ;-)

Calyste a dit…

Cornus: "si j'avais dû" : ça n'a pas l'air de t'enchanter, cette hypothèse !

La Plume: tu dis finalement la même chose que moi. "Homme-femme", ça marche, "homme-homme" ou "femme-femme", ça marche moins bien. Je parle uniquement de l'humour, bien entendu!

PP: Eh oui!
De plus, "Le Joueur de flûte" était, quand j'étais gamin, mon conte préféré.

Fromfrom: oui, parfois, ça rate! Reste plus, là, qu'à ne pas desserrer les cordes. Mais c'est fatigant et peu gratifiant pour tout le monde.

karagar a dit…

Oula, j'ai ex collègue et ex élève qui s'expriment ici ! Alors du coup je me sens obligé... Le charme, oui bien sûr, c'est consubstanciel (oups!) au métier non? Y compris en chantant vraiment pour rebondir sur la remarque de PPL. Il faut même faire semblant ( se le faire croire à soi même j'entends)d'aimer un peu ceux qu'on déteste si l'on veut leur transmettre quelque chose.
Par contre, cette histoire homme/femme et autres combinaisons m'est totalement étrangère. Je ne fais la différence entre hommes et femmes qu'au moment de baisser ma culotte.

Cornus a dit…

Eh bien enseigner en école primaire et collège (et lycée ?), sous entendu à ce moment là en sciences naturelles de préférence, j'aurais énormément de mal à le faire (je ne dis pas nécessairement incapable). Je n'ai sans doute pas la "fibre" nécessaire et cela ne m'a jamais attiré. Je suis probablement bien mieux à mon affaire dans mon métier, ce qui est somme toute bien naturel.

Calyste a dit…

Cornus: ma fibre à moi est en train de "fuser", comme on dit de par chez nous...