mardi 26 février 2013

Une journée avec ma cousine

Et dire que j'ai failli l'oublier. En feuilletant mon agenda, juste comme ça, puisque je suis en vacances, je vois, à la date d'aujourd'hui: rendez-vous chez le notaire. Ce qui attend d'être réglé depuis trois ans (la vente à la mairie d'un petit bout de pré, hérité de ma grand-mère, et même pas constructible), c'était aujourd'hui, et j'étais prêt à poser un lapin à tout le monde!

Dimanche, la neige est tombée ici, et deux centimètres à Lyon, ça veut dire plus de dix à Saint-Étienne! J'étais disposé à prendre le train, avec plaisir même puisque le voyage m'aurait rappelé ceux que je faisais quand j'étais étudiant, dans la micheline rouge et jaune, une comme celle dont parle Patrick Drevet dans un de ses romans. Mais ma cousine, sur place, m'a rassuré: toutes les routes étaient bien dégagées. Rendez-vous chez elle en fin de matinée.

Après l'autoroute, j'ai repris la vieille route tout en lacets, au paysage si beau et sauvage qu'on en oublie qu'elle s'enfonce dans le bassin minier que l'on ne découvre qu'au sommet. De l'autre côté de la vallée, le massif du Pilat resplendissait sous la neige fraîchement tombée. Dans un virage, j'ai reconnu l'endroit où, lorsque, étudiant, j'essayais de gagner quelques sous pour payer mes études en travaillant aux Antiquités Historiques, j'avais enquêté pour retrouver l'emplacement d'une des sources où une partie de l'eau de l'aqueduc du Gier était captée. Plus loin, la boutique du coiffeur (il s'appelait Benite) où ma mère nous envoyait pour des coupes au bol a été démolie et remplacée par une station essence. En pénétrant dans le village, une grande salle omnisports, très laide, mais plus loin, le parc est toujours là, avec ses vieux arbres recouverts de blanc aujourd'hui.

Ma cousine, je la connais peu: son père et le mien (P2) ont été fâchés pendant plus de vingt ans et il a fallu attendre la disparition de leur mère pour qu'ils se réconcilient. Et, pendant tout ce temps, nous ne nous sommes pas vus. Nous étions enfants, nous avons renoués les liens adultes. Lors de la mort de sa mère à elle, j'avais été estomaqué par sa ressemblance avec ma grand-mère, non seulement le physique mais aussi le rire très particulier et la façon de parler. Je le lui avais dit, ce qui l'avait touchée.

Elle vit seule maintenant: des enfants grands et un mari parti après un divorce. Nous devions manger dans un petit restaurant de son village, mais impossible de se garer: jour de marché ! Donc pizza commandée et salade. C'est la première fois que nous nous retrouvions seuls tous les deux. J'avais peur que ça ne colle pas, que nous soyons l'un et l'autre gênés par un si long silence. Et puis, tout a été fluide, ça collait! Même très bien. Nous avons bien ri lorsque nous avons découvert  par exemple qu'il nous était pratiquement impossible de rouler en voiture toutes vitres fermées, même en hiver et au risque de passer pour des fous.

Nous étions en avance. Petit tour dans le centre de Saint-Étienne en attendant l'heure du rendez-vous: place de l'Hôtel de ville et place Marengo où se trouvent la préfecture, un petit kiosque à musique façon Peynet, l'église où j'ai fait ma communion et un cinéma encore en place que j'ai beaucoup fréquenté lorsque j'avais dix-huit ans, juste avant de venir à Lyon. De nouveaux trams aussi, mais plus de trolleys place Dorian qui, autrefois, était leur terminus.

Après la signature de l'acte de vente (ouf, c'est fait!), nous sommes passés par des lieux perdus où j'ai usé mes fonds de culottes et mes semelles dans mon enfance. Ici, habitait l'oncle Honoré, un oncle de mon grand-père, que la maladie avait cloué dans un fauteuil roulant mais qui a survécu même à son petit neveu, mon père, et que j'ai connu. A côté, la Gladys, qui aimait tant boire son petit coup, et même son grand. Le parc du château où j'avais fait ma retraite de communion et son portail devant lequel j'avais appris, le soir, que je redoublais ma classe (cinquième ou quatrième ?). L'emplacement de la mine, dont il ne reste plus rien du tout, à un point tel que je ne reconnaissais pas l'endroit. La propriété des médecins des houillères, grande bâtisse bourgeoise qui contraste tant avec la pauvreté des maisons avoisinantes, en fond d'écran le terril et puis le village, la maison d'Yvon et les bois.... Tout un monde que je retrouvais aujourd'hui en essayant d'imaginer à quoi je ressemblais à l'époque.

Nous nous somme quittés tard. Le vente de ce terrain aurait pu marquer la fin polie d'une relation qui n'a jamais vraiment été familiale. Je crois plutôt que cela marque le début d'autre chose.  

4 commentaires:

Didier M a dit…

Je viens de lire ton texte comme un conte. Un conte du mardi.

Cornus a dit…

Beaucoup de choses dans cette note. Et des ambiances, des décors presque familiers.
Mais qu'apprends-je ? Tu as redoublé une classe ?

plumequivole a dit…

J'ai sursauté à la première phrase, je me suis dit : Calyste a oublié sa cousine sur un banc, ou dans le bus !

Calyste a dit…

Didier: quelque part, c'en est un, de découvrir un membre proche de sa famille à l'âge que nous avons.

Cornus: ben oui. Hormones trop chatouillants sans doute.

La Plume: si tu la voyais ! Elle n'est pas du genre de celles que l'on oublie !