mercredi 14 juillet 2021

Une institution lyonnaise

Il me sera facile de me souvenir de mon premier restaurant après le grand chamboulement : un 14 juillet mouillé et frisquet pour l'époque, un jour qu'on aurait pris pour la Toussaint s'il n'y manquait les chrysanthèmes. Nous nous sommes garés derrière les voûtes de Perrache, là où les laideurs du siècle industriel résistent encore aux laideurs contemporaines qui cherchent à les cacher alors qu'elles ne font que les rendre plus évidentes. 

Un restaurant traditionnel de Lyon, la Brasserie Georges, fondée en 1836 par Georges  Hoffherr, un brasseur tout droit venu d'Alsace. Georges Hoffherr brassait sa propre bière et la tradition se perpétue encore aujourd'hui, alors que la Brasserie Rink, toute proche, fondée en 1859, fermée en 1970, a laissé sa place en 1981 à une résidence pour personnes âgées. Mais c'est Didier Rink qui, en 1985, prend la direction de la Brasserie Georges, avant qu'elle ne tombe en 2002 dans l'escarcelle d' un groupe financier. Ces deux brasseries furent, avec Antoine Lumière, les premiers de Lyon à faire fonctionner leur éclairage à l'électricité, en 1879. A quelques mètres, sur le même trottoir du cours de Verdun, se trouvait aussi le restaurant de La Mère Vittet, plus "intime", dont la porte n'avait pas de serrure puisqu'il était ouvert tous les jours et à n'importe quelle heure.

On y va pour la choucroute, essentiellement : la Brasserie Georges a obtenu, en 1986, d'entrer dans le livre Guinness des records, pour le record du monde de la plus grosse choucroute : 1070 kilos de chou (et je ne parle pas de la charcutaille) dressés sur un plat d'une demi-tonne, long de huit mètres et large de un mètre vingt. Elle détient aussi le record du monde de la plus grande omelette norvégienne depuis 1996 qui a nécessité, entre autres, 1368 œufs et 98 kilos de sucre.

On y va aussi pour l'ambiance (700 couverts peuvent être servis en un seul service) et pour le décor Art déco, avec le plafond peint, les vitraux 1900, les lustres, les onze bas-reliefs dont quatre représentent des angelots célébrant le vin et la bière, et la devise de la maison, inscrite au-dessus d'une grande glace murale : "Bonne bière et bonne chère depuis 1836".  Édouard Herriot, fidèle client, aurait déclaré en déjeunant avec Léon Blum : " Ici, c’est un resto populaire et c’est une cuisine bourgeoise. Voilà ce que devrait être le socialisme."

Pour moi, aujourd'hui, pas de choucroute ni d'omelette norvégienne. J'ai plutôt choisi un bon foie gras arrosé d'un blanc maconnais et un steak tartare mouillé d'un rouge de Chenas, au nord de Lyon.


10 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

A Paris nous n'avons pas d'équivalent, la Coupole est surfaite, le Dôme trop petit et trop macronien, Chez Jenny devenu trop extrême-droit-choucroute, etc, etc, etc !

Anonyme a dit…

Au risque de contrarier Chroum-Badaban, j'oserai avancer le nom de la brasserie Bofinger dans le quartier de la Bastille, qui m'émeut à chaque visite trop rare...
(j'aurais chois le même menu, les mêmes boissons que toi)

Bleck

Calyste a dit…

Chroum : je ne connais aucun de ses lieux, si ce n'es de nom.

Bleck : je n'ai pas eu à regretter mon choix.

Jérôme a dit…

Nous avons un ami dans le coin qui a fait ses classes chez Georges et sert dans son resto un succulent tartare :-)

Calyste a dit…

Il faudra que tu me donnes l'adresse de son resto !

Jérôme a dit…

à Pėzenas, rue Anatole France :-)
l'année prochaine ce sont les 400 ans de Molière et les 100 ans de Boby Lapointe

Cornus a dit…

Je connais de nom, mais c'est tout. Nous hier, c'était un restaurant assez simple mais sérieux où c'était la troisième fois que nous allions... près de la cathédrale d'Amiens.

cão a dit…

eh, eh !!!
si le poids de la muséification ne porte pas préjudice à la sensualité du moment, ne pas hésiter !! ;-)
Ici, sur la dune grise de Le Gurp, "le Conte de la Mer, c'est pizza généreuse sur une pâte ........ (je ne dis que cela)

Calyste a dit…

Câo : pas de pétrification. Le lieu reste bien vivant et populaire.

Calyste a dit…

Jérôme : je croyais que c'était à Lyon.

Cornus : je pense que ça te plairait.