Lorsque Pierre me rejoignit à Perugia, nous nous embarquâmes pour la Sardaigne. On ne peut imaginer changement plus radical : l'Ombrie, ses collines sereines, ses villes fortifiées sur les sommets, tout son art et son passé ; la Sardaigne, sa rudesse, ses paysages désertiques, ses villes tristes et polluées. Mais qu'est-ce que je venais faire là ? Il me fallut plusieurs jours pour accepter cette île, quelques-uns encore pour en appréhender la beauté. Tempio Pausania, en Galure, y fut pour beaucoup. Et les nuraghes, ces tours coniques que l'on dirait antédiluviennes. Et la langue, les langues devrais-je dire, rocailleuses comme le sol, plus près de l'espagnol ou du corse, voire du latin, que de l'italien de Florence.
J'eus le même refus devant Naples, ville anarchique et piaillante, sale et bruyante. Circuler dans ses rues relevait de l'exploit pour un conducteur étranger. Chaque soir, pour rentrer à la Solfatare, près de Puzzoles, nous devions emprunter un long tunnel sinistre et pollué. Voir Naples et s'enfuir ! Et puis, je découvris la douceur de la nuit sur la baie, les ruelles accrochant leurs nippes d'un immeuble à l'autre, les bulles de lave qui me tenaient éveillé dans les Champs Phlégréens, la chaleur de ses ragazzi. Et bien sûr, Herculanum, Pompéi, Oplontis, la côte d'Amalfi et l'île-berceau de Capri.
Il n'y eut que Florence pour ne jamais réussir l'examen de passage. Dans sa cuvette, elle m'étouffe et la lourde architecture de ses palais m'écrase. Il faut la voir de haut, de Fiesole par exemple. Et Sienne est tellement plus belle, ou Volterra. De Florence, je retiens des maux de tête, une angine, un coup de massue dans un restaurant devant Santa Maria Novella et une petite chambre proche de la gare que j'eus tout de même la chance de trouver près de la gare, en transit pour Perugia.
Venise aussi dut attendre un peu pour que je l'apprécie. Mais il y suffit de cette nuit à déambuler dans les rues désertées par les touristes et qui, sans que je le sache, me conduisit sur la Place Sain-Marc ouatée d'une brume bleutée pour que je sois séduit. Les Scuole aussi m'avait fait grand effet. Et cette américaine en larmes sur la terrasse du café face à la basilique. Et mon amie du Cantal qui, du haut de sa chambre provisoire m'avait hélé, dans une petite ruelle.
6 commentaires:
la chaleur des ragazzi, c'est pas ke syndrome de Stendhal ça ?
Florence non plus ne m'avait pas plu : trop rigide et carrée. Aucun souvenir de ses habitants sinon qu'ils me paraissaient aussi raides. Les nuraghe nous avaient fascinés. Nous en avions visité un.
Jérôme : Jérôme : j'en dis beaucoup ici mais ne peut pas tout dire. Et Stendhal, j'en suis sûr, n'est pour rien dans l'affaire. De Naples, j'ai, crois-moi,quelques beaux souvenirs,tout aussi sensuels que ses nuits campaniennes! (Tu as entendu : tu as droit à des alexandrins !)
Il faudrait qu'un jour, nous échangions face à face nos impressions italiennes !
Je pense que que si j'allais à Naples ce ne serait que pour Pompéi. Je connais une Italienne (Vénitienne) qui n'aime pas du tout l'état d'esprit napolitain.
Cornus : tu aurais tort, je t'assure. Les gens du nord de l'Italie sont toujours injustes avec ceux du sud.
Calyste> Honnêtement, je n'en sais rien... et déjà que j'ai du mal à comprendre les Français du pourtour méditerranéen...
avec plaisir
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