lundi 12 juillet 2021

Amours transalpines (12)

Le jour où j'ai commencé à évoquer ces amours transalpines, je ne me doutais pas que j'en écrirais autant. Je pourrais continuer encore et encore, tant les souvenirs se bousculent. Je n'ai pas évoqué le chien Peïo dont la maîtresse basque passa sa vie en Italie, ni celui recueilli sur une aire d'autoroute près de Civitavecchia, Ciccio, qui passerait dix-sept ans avec nous, à Lyon. Ni le perroquet encagé dans un restaurant de Sicile, qui m'a marqué, je ne sais pourquoi. Ni les tournesols sur la route de Gubbio, gorgés de soleil et qui se révélèrent si décevant en photographie. Ni du glacier de Perugia, tout au fond du Corso Vanucci, où, certains soirs, j'achetai une glace à la banane. Ni de la vieille DS Citroën qui nous trimbala sur les routes d'Ombrie et de Toscane, de Todi à Lucca, grâce à la rencontre d'un lyonnais sympathique. 

Dire aussi les vieilles en noir, sur le pas de leur porte, roulant à la main les gnocchi du pays et nous bénissant au passage quand nous allions embarquer pour la Grèce. Le vieux chanoine français assurant, pour épater les bigotes en voyage, que les Romains avaient tracé leurs voies pour favoriser l'expansion du Christianisme. Ou le jeune couple, devant le Panthéon, certain que le Christ y était mort. Ou le vol de notre bourse commune près des forums, à notre dernier voyage. Et les pitreries de deux vieux napolitains rencontrés un soir qui firent tant rire Pierre alors que je ne comprenais pas un traître mot d'italien. 

Dire la nuit à Venise et le tableau vivant, les souffleurs de verre à Volterra, les errances à Torcello, les inaccessibles Cinque Terre, Gênes jamais visitée, l'émerveillement devant Della Francesca à Arezzo ou Signorelli à Orvieto, le moine argentin à Assise, les oliviers de San Damiano, l'oreille de Denys à Syracuse, l'autre côté de Sienne, un autre San Miniato dont ne parle pas d'Ormesson, l'ombre de Dante toujours présente, Giotto à Vérone, les squelettes pétrifiés d'Herculanum, les suédois, bien vivants, de Capri et le vieil homme de la Villa Jovis, le cryptoportique de Tivoli, si frais sous le soleil de midi.

Tant de choses, en somme, profanes et sacrées, antiques et modernes, miettes de voyages qui suffirent à me nourrir et me nourrissent encore. Une dernière pourtant : la passion incongrue de ma mère pour le pronto du téléphone après qu'elle m'eut appelé à Perugia pour la naissance de mon neveu, il y a tout juste quarante ans. Pronto, moi aussi je le suis pour repartir là-bas, de l'autre côté des Alpes, engranger d'autres beautés de ce  pays tant aimé.

2 commentaires:

Cornus a dit…

Est-ce une autre façon de nous annoncer que tu pars de manière imminente ?

Calyste a dit…

Cornus : perdu ! Je reste !