Le Flâneur des deux rives, cet intitulé d’un recueil de
promenades parisiennes d’Apollinaire, me convient à merveille. Il me
semble que les quelques livres que j’ai pu lire ne sont que des
promenades incertaines qui me conduisent alternativement d’une rive à
l’autre sans que je veuille m’installer à demeure sur l’une d’elles.
Refus d’être assigné à résidence, refus des oppositions tranchantes...
Combien de fois m’a-t-on fait remarquer que le mot entre figurait
dans les titres et les chapitres de mes livres, au point de faire de
moi un « spécialiste de l’entre-deux » ! Mais c’était méconnaître que
si, par malheur, j’en étais le « spécialiste », je cesserais aussitôt
d’y trouver mon bonheur.
Comment ne pas songer, dès qu’on évoque les deux rives, à l’autre barque,
à celle de Charon, qui conduit de la cité où s’activent les vivants à
celle où reposent les morts ? Il se pourrait bien qu’en passant
librement d’une rive à l’autre, en franchissant les ponts ou, mieux, des
passerelles comme celle du pont des Arts, en flânant ici et là sans
rester définitivement fixé à un point d’attache, je m’assure qu’il n’y a
pas d’aller sans retour et que toute traversée s’effectue dans les deux
sens.
Pourtant ce n’est pas l’image de l’autre barque qu’éveille en moi Le Flâneur des deux rives.
Apollinaire y évoque des lieux qu’il a connus, des quais, lui aussi,
des rues (que sont-elles devenues, ces amies d’autrefois !), des
librairies. Sa mémoire est rêveuse comme la mienne dans ce livre-ci.
Elle flâne et s’attarde un instant, avec un rien de nostalgie et pas mal
de tendresse, sur tel ou tel moment passé. De ces moments-là, elle
refuse de se séparer. Je relis les premières lignes du Flâneur :
« Les hommes ne se séparent de rien sans regret, et même les lieux, les
choses et les gens qui les rendirent le plus malheureux, ils ne les
abandonnent point sans douleur. »
Se séparer de soi : tâche aussi
douloureuse qu’inéluctable et même nécessaire pour qui ne consent pas à
rester sur place et que porte le désir d’avancer, d’aller au-devant de
ce qui, n’étant pas soi, a des chances d’être à venir.
vendredi 23 avril 2021
A propos de flânerie
Extrait de Le Dormeur éveillé, de Jean-Bertrand Pontalis, l'un de mes auteurs de prédilection (on peut dire le premier). Je me retrouve dans ce passage.
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5 commentaires:
Nestor Burma, flâneries pro ... désolé. 🥴
Câo : ????
Autre flâneur légendaire, parigot, de Léo Malet ... 😘
Et Henri Calet !
Câo : et joué par Guy Marchand.
Chroum : et Jean-Jacques Rousseau !
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