mercredi 6 juin 2012

Coup de poing

Je ne sais pas comment je ne l'avais pas vue auparavant. Il y a bien une quinzaine de jours que ces panneaux commémoratifs des quarante ans de l'association scolaire sont en place dans les couloirs du collège, j'étais passé devant des dizaines de fois en y jetant un coup d'œil distrait sans m'attarder. Et ce matin, je n'ai vu qu'elle, penchée sur un élève qu'elle conseille, la tête au ras du bureau, le stylo pointé sur la feuille blanche, les lunettes glissées, comme toujours, au presque bout du nez, l'air sérieux qu'elle prenait dans ces cas-là, elle qui aimait tant rire.

La photo m'a arrêté net dans ma course, comme si j'avais reçu un coup de poing. Car c'est bien de la douleur que j'ai ressentie à ce moment-là, quelque chose de fulgurant, une immense tristesse subite, un ascenseur qui se décroche. Je me suis approché et je l'ai regardé longuement. Les élèves passaient autour de moi et me regardaient d'un air perplexe. Quelle figure devais-je avoir, ainsi plié en deux, le regard fixé sur le panneau ?

Et puis, la foule des souvenirs heureux s'est pressée dans ma tête, nos soirées, nos discussions, mes anniversaires, les pièces de théâtre qu'elle jouait avec une troupe d'amateurs et où j'étais toujours convié, les journées de jardinage, les bons repas où tout devait être parfait, les n'importe quoi qui nous faisaient tant rire, les engueulades aussi, quand nous n'étions pas d'accord ou quand elle voulait trop jouer à la maman avec moi. Et quand je me suis redressé, j'étais heureux, tellement, de l'avoir revue.

Elle, c'est Kicou. Je ne peux pas dire: c'était Kicou.

5 commentaires:

Cornus a dit…

Il y a des disparus dont la pensée finit par nous apaiser, comme dans ce cas bien précis.
Ce n'est hélas pas le cas pour tous les disparus, mais oublions.

Calyste a dit…

Cornus: merci d'avoir commenté ici.

Georges a dit…

C'est exactement ce que je pense, les disparus nous apaisent. Peut être qu'on porte en nous un peu de leur force.
Je crois vraiment qu'on vit riche de nos morts.

Georges a dit…

je t'embrasse.

Calyste a dit…

Georges: je l'espère mais j'en suis presque sûr. Je t'embrasse aussi, girl!