jeudi 29 juillet 2010

Firmin

Enfin un roman qui m'a ravi! Enfin une lecture dont le plaisir et la jubilation ne se sont pas dissipés tout au long des pages. Ça s'appelle Firmin, autobiographie d'un grignoteur de livres. C'est d'un américain, Sam Savage, traduit par Céline Leroy et publié chez Actes Sud (Babel). C'est bien écrit, bien traduit, original, drôle (au moins au début, car, ensuite, ça se gâte un peu) et d'une longueur d'où toute prétention est exclue.

C'est l'histoire d'un rat né dans le sous-sol d'une librairie du vieux Boston dans les années soixante, un rat qui sait lire et qui aime les livres, d'abord en les dévorant des dents, ensuite plus traditionnellement, pour nous, des yeux. C'est l'histoire d'un amour impossible avec un libraire pourtant prometteur et d'une profonde amitié avec un écrivain marginal dont la mort coïncidera, à quelques jours près, avec la destruction du vieux quartier promis depuis longtemps à la démolition.

Fable humaniste? Conte philosophique? On ne sait comment qualifier ce roman. Mais a-t-il besoin de l'être? Un moment extraordinaire d'émotion grinçante est celui où Firmin découvre pour la première fois son visage dans un miroir et se rend compte qu'il n'est qu'un rat maigrichon à grosse tête d'intellectuel alors qu'il se voyait, dans ses rêves, le clone de Fred Astaire. Lisez ce livre, enfin si vous voulez!

Mon intelligence est devenue plus affûtée que mes dents. (...) Parfois je regardais autour de moi et tremblais de joie. Je ne comprenais pas pourquoi tout cela m'avait été accordé. Parfois aussi, j'imaginais que cela faisait partie d'un plan secret. Est-il possible que moi, malgré mon invraisemblable apparence, j'ai une Destinée? me demandais-je? Et par Destinée, j'entendais le genre d'existence que mènent les personnages d'une histoire et qui, si chahutés, bousculés par les événements d'une vie soient-ils, sont finalement chahutés et bousculés avec une certaine cohérence. Dans les histoires, la vie a un sens, suit une direction. Même les plus stupides et insignifiantes, comme celle de Lenny dans Des Souris et des hommes, parce qu'elles s'inscrivent dans une histoire, acquièrent au moins le dignité d'être des Vies Stupides et Insignifiantes, la consolation d'être des références en quelque chose. Dans la vie réelle, nous n'avons même pas cela.

3 commentaires:

christophe a dit…

Ah moi aussi, j'ai beaucoup aimé ce livre. Il est tellement attachant ce petit rat...

Lanelot a dit…

"Dans les histoires, la vie a un sens, suit une direction. Même les plus stupides et insignifiantes, comme celle de Lenny dans Des Souris et des hommes, parce qu'elles s'inscrivent dans une histoire, acquièrent au moins le dignité d'être des Vies Stupides et Insignifiantes, la consolation d'être des références en quelque chose. Dans la vie réelle, nous n'avons même pas cela."


Mais au fond, qu'est-ce qu'il en sait, Firmin ? Ou Sam Savage ? Ou les lecteurs ? C'est une idée que j'ai toujours affectionnée d'ailleurs. Bien plus apaisante que terrifiante, à mon goût : quelque part, la vie de chaque individu a déjà un but tracé et écrit dans une histoire. Ca ne s'appelle pas la métaphysique, ou la prédestinaton, ça s'appelle le hasard, tout simplement. Celui qui fait bien les choses. Ou qui les fait mal. Mais qui les fait, en tout cas.

Calyste a dit…

Un peu janséniste, là, le Lancelot. Christophe, lui, c'est l'Hédonisme. J'aime assez la rencontre des deux!