lundi 3 décembre 2007

Tu m'apprécies?

Il y a quelques jours, J. a voulu m'aider à régler un problème avec un site internet permettant aux profs de rentrer leurs notes et leurs appréciations. Je ne parvenais pas à y accéder:mon mot de passe était, paraît-il, faux.

Or, ce jour-là, nous y sommes entrés sans aucune difficulté et J. a pu ainsi lire ce qui sera imprimé sur le bulletin de certains de mes élèves.
- Tiens, me dit-il, ça ressemble à ce que j'ai lu pour mes enfants.
Cette réaction, toute simple de sa part, m'a pourtant fait réfléchir.

Combien de fois, depuis le début de ma carrière, ai-je écrit face à tel ou tel nom :
- "Élève sérieux, travail satisfaisant. Il faut cependant développer la participation orale."
ou bien:
- " Ensemble bien moyen, surtout en expression écrite. Il ne faut pas se décourager et poursuivre les efforts."
ou encore:
- " Aucun travail, attitude à revoir entièrement. Si X. continue ainsi, il court à la catastrophe. Il faut réagir et vite."?
De quoi sans doute noircir des pages et des pages.

Attention: sous l'allure de messages stéréotypés et pré-pensés, ces phrases reflètent en principe une réalité. Mais en aucune façon elles ne rendent compte de l'ensemble de cette réalité.

D'abord parce que le travail d'un élève pendant un trimestre ne peut que difficilement se traduire en mots qui bien souvent ne prennent en compte que les résultats chiffrés, ou, pire, ne sont inspirés que par la dernière semaine, voire les derniers jours avant leur rédaction. Malheur à l'élève qui, pendant cette courte période, se fera remarquer de profs toujours plutôt à cran en fin de période!

Ensuite parce qu'elles ne laissent jamais apparaître la relation qui s'établit forcément entre le groupe d'élèves et le professeur, et encore moins entre l'élève X et le professeur Y. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement dans ce cadre immuable, sclérosé et laissant bien peu de place à l'explication, qu'est un bulletin scolaire? Il n'y a qu'une petite ligne à remplir, et l'on passe au suivant. Parfois même aujourd'hui, on fait du copier/coller, comme si les élèves étaient interchangeables.

J'ai essayé parfois d'être moins traditionnel. On m'a vite fait comprendre que mes phrases avaient un sens difficile à pénétrer ( j'avais osé une fois parler de "maïeutique"), ou qu'elles étaient un peu rudes , serrant de trop près la réalité.

C'est dommage? Oui et non. Je crois que les parents attendent essentiellement qu'on les rassure ou qu'on les avertisse. Les détails n'en concernent que très peu: c'est bon ou ça coince. Et c'est très bien comme ça.

Il y a, c'est sûr, le triangle prof-élève-parents, mais il y a aussi la relation directe prof-élève, et élève-élève, et celles-ci appartiennent à l'école. L'école est un peu comme une prison: ce qui se passe derrière ses murs ne transpire pas toujours à l'extérieur.

Je crois qu'une part inaccessible aux parents est indispensable à l'enfant pour se développer, se former, et devenir un homme en marche (oui, J., je t'emprunte ta formule que j'aime.). Il faut que les parents nous fassent confiance , et, Dieu merci, c'est majoritairement le cas. Ils nous confient le bijou de leur coeur et nous leur rendons un être que nous avons voulu indépendant et responsable. L'alchimie s'est faite peu à peu dans ces salles où ils n'ont pas vraiment accès.

Je regrette seulement que ce "mystère", au sens quasi religieux du terme, n'apparaisse pas davantage dans les billets que nous envoyons chaque trimestre aux familles.

1 commentaire:

JaHoVil a dit…

Tu es parmi ceux qui font de cette profession une religion où le coeur de tout c'est l'élève.
C'est rare et précieux.

Ah, mais non, ton mot de passe n'est pas faux ! Je crois que le site doit être chatouilleux parfois.

J'ai bien eu ton message, c'est d'accord pour demain, comme il se doit :)

Bises, J.