mercredi 10 juin 2015

Feuilleter

L'un des avantages de la photo numérique, c'est qu'elle ne tient pas de place. Le disque dur de l'ordinateur est accueillant, voir un deuxième disque dur externe pour ceux qui, comme moi, en prennent beaucoup.

Avant-hier, par obligation, j'ai dû ressortir mes albums de photos argentiques qui remplissent deux étagères d'un placard. Photos de famille, de réunions entre amis, de fêtes à la campagne, de voyages avec le collège. Et immédiatement, j'ai été pris d'une grande angoisse.

D'abord face aux visages souriants d'êtres proches qui aujourd'hui sont sous terre et auxquels je tenais beaucoup. Je n'ai pu m'empêcher de compter souvent ce qu'il leur restait à vivre lorsque la photo a été prise. Nous ne le savions ni les uns ni les autres à l'époque. Aujourd'hui, moi seul le sais.

Peut-être plus déprimant encore (si les morts sont morts, ce n'est pas de leur fait), le nombre d'amis que l'on croyait proches, que l'on embrasse, avec qui l'on plaisante, et, qui un beau jour, ont disparu sans laisser d'adresse, sans jamais plus se manifester, ni par un mot gentil, ni par téléphone.

Au moins, sur disque dur, on peut ne voir que ce que l'on a envie de voir, sans feuilleter, sans tourner une à une les pages de la douleur ou de la désillusion.

9 commentaires:

ariadne a dit…

Serait-ce l'origine des selfies (qui m'horripilent) ? la photo n'est pas faite pour durer et surtout on ne risque pas en général de se perdre de vue ?
J'aime bien regarder des vieilles photos, même si j'en prends rarement le temps. En revanche les videos où l'on voit des gens "disparus" sont carrément insupportables.

karagar a dit…

glaçant ce post

Cornus a dit…

Je n'ai pas ce sentiment, peut-être parce que je n'ai pas pris assez de photos plus jeune. Pourtant, je commence à en voir des disparus sur d'anciennes photos. Sur les photos où on est mais qu'on n'a pas prises, ce n'est pas pareil je pense.

Calyste a dit…

Ariadne : tu aurais été gâtée au dernier voyage à Rome ! Leurs bouilles, pour certains, les intéressaient davantage que les monuments romains !
Pour la photo, il n'y en a pas une chez moi (elles sont dans les placards)et cela depuis des années. J'aime me créer mes propres images mentales, même si elles sont fausses, ou pas tout à fait exactes. Pour moi, la photo est abstraite et doit le rester. Une sorte de géométrie, ou d'ascèse, mais si je développe, j'en ai pour des pages.
Pour les vidéos, je sais qu'il en existe une de ma grand-mère quo m'a élevée. Je donnerais cher pour la retrouver.

Karagar : surtout à vivre.

Cornus : c'est un sentiment qui s'accentue avec l'âge, forcément. Mais, de toute façon, je n'ai jamais aimé faire des photos de personnes. Je rate systématiquement toutes mes photos de famille. Peut-être simplement parce que ça ne m'intéresse pas.

Calyste a dit…

A tous : PS : la photo de ce billet est celle d'un mur de cimetière lyonnais.

Petrus a dit…

Comme souvent sur ce genre de sujet, tu dis très bien les choses... J'ai la même impression.

Jean-Pierre a dit…

"Il faut Tourner la page", que de fois ai-je entendu cette expression..
Mais les pages peuvent également se tourner à nouveau dans l'autre sens...
Et le feuilletage de ces instantanés de vie favorise ces sentiments que tu décris si bien et que je partage aussi. je ne déchire pas les pages de mon livre, une nouvelle page n'efface pas les précédentes.
Ça me fait penser à cette très belle chanson de Nougaro :

(...)
Il faut tourner la page
Jeter le vieux cahier
Le vieux cahier des charges
Oh yeah
Il faut faire silence
Traversé d'une lance
Qui fait saigner un sang
Blanc
Il faut tourner la page
Aborder le rivage
Où rien ne fait semblant
Saluer le mystère
Sourire
Et puis se taire

Calyste a dit…

Petrus : je sais que nous avons souvent une façon similaire de réagir.

Jean-Pierre : il n'est pas question de déchirer, la page s'en charge elle-même sur nous.

Cornus a dit…

Je photographie peu les gens aussi et je ne suis pas très doué non plus.