lundi 6 juin 2011

Retours

Se retrouver chez soi après quelques jours d'absence est toujours pour moi un moment d'une intensité particulière. Bien sûr, je suis content de réintégrer mes pénates mais j'éprouve en même temps une impression bizarre: comme si j'étais un intrus entrant par effraction dans l'appartement de quelqu'un d'autre. Cela ne dure que quelques secondes mais se produit à chacun de mes retours. Comme si les objets s'étaient faits à mon absence et qu'ils avaient poursuivi leur vie propre, sans moi. Je les imagine s'ébrouant comme des chiens mouillés dès que le verrou est tiré, changeant de place, se regroupant par affinité, se lançant dans des sarabandes qui ne cesseront qu'à l'approche de mon pas dans l'escalier pour retrouver bien sagement leur place initiale.

Ce livre était-il sur cette table à mon départ? On dirait que cette pièce s'est agrandie! Tiens, j'avais laissé ce mouchoir propre sur la commode sans le ranger? Les objets qui traînent rappellent les instants d'avant l'absence. Oui, bien sûr, j'ai fait ci ou ça avant de partir, je m'en souviens parfaitement. Impression de revenir en arrière, comme si les quelques jours passés ailleurs n'avaient pas existé, ou plutôt comme s'ils pouvaient recommencer, simplement en fermant la porte et en rejoignant la voiture qui m'attend dans la rue. Impression que tout est rejouable, à l'identique ou différemment. Lorsque j'ai vidé et lavé ce cendrier, je n'avais pas encore vécu ce repas, cette soirée, je n'avais découvert ce site, je n'avais pas eu cette conversation....

Un peu comme lorsque, adulte, on se penche sur ses années d'enfance. La même chose et pas tout à fait la même aussi.

8 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

Je ressens exactement la même chose à chaque retour. Et que j'aime ce moment-là !

laplume a dit…

L'idée des objets qui profitent joyeusement de ton absence pour vivre leur vie, je la trouve géniale! Ah je les imagine, le cendrier qui dit au pot à eau, fais gaffe, Calyste est dans l'escalier ! Et le balai qui se marre en regardant les petites cuillers "On a bien rigolé, hein!" C'est quand ses prochaines vacances, demande l'éponge au porte-manteau ?

Lancelot a dit…

Ce qui aurait avantageusement joint l'utile à l'agréable, ou le fonctionnel au poétique, comme on préfère, c'eût été que l'appart ait poursuivi seul les travaux en cours ! Zou, le mur se déplace, hop, les peintures s'étalent, toc, les nouveaux meubles apparaissent... Alors là pour le coup, tu aurais pu déclamer du Verlaine :

"Je fais souvent ce songe étrange et hilarant
D'un appart inconnu, situé au deuxième
Qui change à mon retour, dans un style bohème
Mais je suis bien chez moi, c'est vraiment sidérant..."

Calyste a dit…

Olivier: moi aussi, je l'aime, même si je suis surpris chaque fois.

La plume: J'aurais préféré que le soleil dise à la pluie: "Tire-toi!".

Lancelot: Faut pas rêver!

karagar a dit…

oui, oui, bien vu, tout ça, et l'odeur de sa propre maison qu'on redécouvre!

Calyste a dit…

Karagar: depuis longtemps, j'ai très envie justement d'écrire un billet sur l'odeur des maisons. Ça viendra sans doute, mais ce n'est pas très facile!

Cornus a dit…

J'ai eu un petit peu ce sentiment aussi de me sentir un court instant un peu étranger à mon domicile. Mais depuis que je ne vis plus seul, cela ne me le fait plus.

Sinon, en parlant des objets qui s'animeraient en notre absence, cela me rappelle la folie (réelle) d'un de mes anciens collègues qui m'avait raconté que quelqu'un rentrait dans son appartement en son absence (sans effraction, même après qu'il eut changé la serreure) pour faire des traces sur les murs qui se voyaient sans se voir. Il avait même fait venir un inspecteur de police (si ce n'était pas triste, cela aurait été marrant).

Calyste a dit…

Cornus: lorsque je vivais avec Pierre, je ressentais pourtant la même chose. Quant à ton collègue, cela relève, effectivement, de la psychiatrie!