samedi 25 juin 2011

Au paradis de Ra

Je viens d'apprendre la mort de Christiane Desroches-Noblecourt. A presque quatre-vingt-dix-huit ans, cette égyptologue française n'avait rien perdu de son dynamisme et de sa passion pour la vallée du Nil. Je l'ai découverte il y a quelques années en lisant son ouvrage La Grande Nubiade consacré au sauvetage des temples d'Abou-Simbel menacés d'engloutissement par les eaux du futur barrage Nasser en 1954.

Cette femme n'avait pas hésité à l'époque à s'engager au nom de la France pour que ces temples ainsi que celui d'Amada soient préservés envers et contre tout. Pour ce dernier, elle demanda, après avoir proclamé: "La France le sauve!", un entretien avec le général de Gaulle qui, lorsqu'il apprend les paroles officielles de Desroches-Noblecourt, lui répondit sèchement:
" Comment, madame, avez-vous osé dire que la France sauverait le temple, sans avoir été habilitée par mon gouvernement ?"

Il en fallait plus pour déstabiliser cette inconditionnelle des monuments égyptiens:
" Comment, Général, avez-vous osé envoyer un appel à la radio, alors que vous n’aviez pas été habilité par Pétain ? ». Telle fut sa réponse au général qui, finalement ne l'impressionnait que fort peu. Ce dernier, dit-on, se mit alors à sourire et le temple d'Amada fut sauvé comme l'avait promis ce petit bout de femme au caractère bien trempé.

La dernière fois que je l'ai vue à la télévision, elle était, en compagnie de Jacqueline de Romilly, l'helléniste tout aussi célèbre et tout aussi âgée, l'invitée de Jean-Pierre Elkabbach pour son émission Bibliothèque Médicis en 2006. Un pur régal que cette soirée! Outre le plaisir lié à la science extrême et à l'intelligence supérieure des deux femmes, nous avions pu assister ce soir-là à une sorte de joute oratoire entre ces deux spécialistes de l'Antiquité, joute légère et passionnante qui jamais ne tomba dans la cuistrerie. A certains moments même, et parmi les plus agréables, j'ai eu l'impression de participer à une conversation de deux petites filles défendant chacune son univers, hors du monde , seules face à face avec leur immense savoir, sur le bord d'un chemin herbeux.
A six mois d'intervalle, elles sont parties toutes deux rejoindre les dieux qu'elles connaissaient si bien et qui ont accompagné leur vie. Puissent-ils en faire autant dans les ténèbres!

Pour ceux que cela intéresse, voici le lien pour revoir cette émission:
http://www.dailymotion.com/video/xg7ja8_jacqueline-de-romilly-avec-jean-pierre-elkabbach_news
Durée: 1 heure environ.

5 commentaires:

karagar a dit…

la passage avec de Gaulle est réjouissant !

Caly a dit…

Bel hommage que voilà !

Et merci pour le lien

Calyste a dit…

Karagar: n'est-il pas?

Caly: merci à vous d'être passé par ici, et bienvenue.

Lancelot a dit…

Il y avait une autre émission sur elle samedi soir sur la 5, nous l'avons suivie. Très intéressante.

Sans Elkabbach. J'aime autant.

Calyste a dit…

Lancelot: certes. Pourtant, je ne regrette pas d'avoir vu, face à face ces deux "fortes" femmes, même avec ce vilain museau!