jeudi 4 novembre 2010

Seul avec elle

Petit instant, comment dire, de tendresse (je sais, c'est un peu ridicule) ce matin en entrant dans la cours du collège. Beaucoup étaient déjà là, en avance. Moi aussi. Machinalement, parce que je connais son numéro, je cherche comme chaque matin la voiture de Stéphane. Je ne sais pas pourquoi, la voir garée, le long du grillage, me rassure.



Ma salle avait été nettoyée pendant les vacances. J'y passe huit heures par semaine, avec les cinquièmes. La première fois qu'on me l'a attribuée, après le départ du primaire dans un autre bâtiment, je l'ai trouvée très laide: une sorte de couloir, de wagon de métro, tout en longueur et impersonnel. Les fenêtres donnent sur un immeuble qui ressemble à une HLM et la domine de l'autre côté de la rue.

Comme d'habitude, mais seul ce matin, j'ai posé mon cartable sur la deuxième chaise devant le deuxième bureau que je rajoute toujours à celui devant lequel je suis assis: envie d'espace, de pouvoir m'étaler. Comme d'habitude, je suis allé au fond ouvrir le placard, mon placard puisqu'il n'a qu'une seule clé et que c'est moi qui la possède. A l'intérieur, des manuels, actuels ou de plus anciens dont je me sers encore parfois, des dictionnaires, de français et de latin, des pochettes cartonnées de rangement et quelques livres de bibliothèque que je prête parfois à qui en veut. Toute en bas, une ou deux craies blanches, en provision, et une vieille carte du monde à laquelle plus personne ne s'intéresse.


Revenu à mon bureau, j'ai pris la photo, en me mettant bien au milieu de l'allée, avec un grand sérieux, comme si cela avait une importance. En fait, je me cachais ainsi à moi même mon dépaysement à voir cette salle vide et en ordre, avant que la horde n'arrive, à penser bêtement qu'elle avait eu sa vie propre pendant dix jours, sans moi, sans eux, les élèves qui y passent encore plus de temps. à la sentir me guetter, se tapir pour redevenir, quelques instants plus tard, une bête salle de cours jonchée de papiers, à l'ordonnance détruite des chaises et des bureaux, aux relents de sueurs un peu aigres.

Et puis la sonnerie, trop forte, a retenti dans le couloir et, dans l'escalier, j'ai entendu les premiers chocs des souliers et les premières conversations que l'on se dépêche d'achever avant de rentrer en classe. Mais l'on a tellement de choses à se dire après les vacances.

6 commentaires:

karagar a dit…

J'ai ce regard aussi un peu particulier sur les lieux vides(d’enseignement essentiellement) qu'on a connus bruissant de vie.

KarregWenn a dit…

Le radiateur est admirablement bien placé, au fond, devant la fenêtre...La place que j'enviais furieusement alors qu'on me collait toujours sous le nez du prof ! Même pour regarder par la fenêtre je devais me faire discrète, alors que nous avions un parc magnifique et un étang en premier plan !

Cornus a dit…

Je comprends un peu ça. J'ai un temps travaillé au sein d'un centre universitaire. Et le vide avant et après l'arrivée des étudiants...

Calyste a dit…

Karagar et Cornus: ces lieux ne sont jamais vraiment vides, je trouve. On croirait, en tendant l'oreille, entendre comme un chant mêlant tout ce qui s'y est dit.

Tu peux voir qu'ici, Karregwenn, les fenêtres sont haut placées. De toutes façons, il n'y a ni parc (de ce côté), ni étang à admirer...

Lancelot a dit…

EUH ! tout ça (ta note + les commentaires) ressemble furieusement à une réunion d'alcooliques anonymes... Ma psychoe personnelle, c'est de me demander comment le temps s'est écoulé pendant les vacances entre les quatre murs d'une salle de classe. Silencieux alors qu'ils sont gorgés de vie le reste du temps. Des endroits qui oscillent toute l'année entre trop-plein et vide sidéral...

Calyste a dit…

Tu dis mieux que moi ce que je ressens, Lancelot.