mardi 10 mars 2009

Villa du crépuscule

Patrick est tenté par ce roman de l'écrivain américain Jesse Browner. Que lui dire? Doit-il le lire? Finalement, ce sera oui.

Publié chez Phébus, ce livre assez mince, deux cents pages environ, raconte la dernière soirée de l'écrivain latin Pétrone (Caïus Petronius Arbiter), l'auteur supposé du Satiricon. Dernière nuit pendant laquelle, au cours d'un banquet où il a convié ses amis les plus intimes, dont le poète Martial, il mettra fin à ses jours en se saignant peu à peu.

Nous assistons donc à ce dernier repas au triclinium alors qu'en bas, dans Cumes, la fête des Saturnales bat son plein. En cours de soirée, Pétrone évoque pour lui même quelques souvenirs de sa vie de soldat, en particulier sa rencontre avec Mélissa, épouse plébéienne d'un centurion, dont il tombe éperdument amoureux puis le retour à Rome, après la mort du mari, et l'installation dans la capitale, les retrouvailles avec Néron et l'insertion de Mélissa dans le milieu patricien. On voit aussi paraître Lucilius, celui des Lettres de Sénèque.

Pourtant ce n'est pas le Pétrone auquel je m'attendais que j'ai retrouvé là: pas celui des orgies et des débauches au milieu d'une cour impériale viciée jusqu'à l'os, où tous les plaisirs et toutes les violences sont permis. C'est plutôt un philosophe se retrouvant aux portes de l'au-delà et se posant encore des questions sur sa vie, ses actes, ses choix, sans vraiment parvenir à approcher une part de vérité.

L'auteur a romancé les quelques traces éparses que l'on a de cet homme et que l'on trouve dans les Annales de Tacite et l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien. J'ai aimé ce livre, aisé à lire, au titre sans doute un peu mièvre en français (titre original: The Uncertain Hour, ce qui est déjà mieux) mais je n'irais pas jusqu'à prétendre, comme le fait Michael Cunningham à la quatrième de couverture, qu'il s'agit là d'un "authentique chef-d'œuvre".

Un petit extrait, où le jeune Martial s'en prend aux grands de son monde:

Comme si le goût pour une nourriture raffinée, une certaine aisance en politique et dans les affaires domestiques, supposaient une réelle grandeur d'âme! Nous, pauvres mortels, nous nous sentons seulement reconnaissants et rassasiés quand nous avons la chance de manger quelque chose de bon. Mais vous, les riches oisifs, vous les "patrons des arts", vous estimez vertueux de part le simple fait de consommer des mets de qualité, comme s'il s'agissait là d'une bonne action. Ainsi vous félicitez le monde de sa libéralité, vous lui accordez votre auguste approbation. Vous êtes tellement fiers de vous, de votre façon de vivre érigée en art, que les dieux doivent se gausser depuis les cieux. Comme si la capacité à reconnaître un marbre grec, ou à distinguer le garum du muria, vous ouvrait les portes du paradis! Salut à vous, esprits fins, crème de la crème, race supérieure.
( Trad. de Annie Hamel.)

4 commentaires:

JaHoVil a dit…

Vive la roulette !
Bises, J.

Calyste a dit…

Tout aussi salissant mais plus bruyant et moins sûr!

Patrick a dit…

Merci de cet avant-goût ! Je pense me laisser tenter...

Calyste a dit…

Tu me diras...