mercredi 8 octobre 2008

Autre terreur

Pour en finir avec cet abbé haut en couleur qui m'inculqua à coup de cubes les rudiments de la culture biblique, une dernière anecdote qui, si j'en ris aujourd'hui, me paralysa au moment de la vivre.

J'étais par hasard malade au moment où mes petits camarades eurent droit à leur première communion. Je ne pus donc recevoir ce sacrement en même temps que les autres. Mais le prochain dimanche où la messe eut lieu dans le village où j'habitais, j'étais tellement envieux de tous ceux qui, fiers et droits, se dirigeaient vers la table de communion, que je pris, sans réfléchir et sans penser à mal, le même chemin pour participer moi aussi à la fête.

Lorsque je fus arrivé devant l'abbé, il me la donna dans la bouche comme aux autres, mais je vis bien qu'immédiatement après, il me lançait un drôle de regard, comme effaré. Ne me doutant de rien, je regagnai ma place, sans doute déçu par le goût de ce petit bout de corps de Christ qui avait fâcheusement tendance à se coller à mon palais.

Après l'office, l'abbé voulut savoir si mes parents étaient chez eux. Il reçut une réponse positive et ne me dit rien de plus. Aussi ne fus-je pas surpris de le voir arriver chez nous, avec sa moto, en fin de matinée. Le pire était à venir.

Alors que je jouais devant la maison, je surpris la conversation entre lui et mes parents, et je saisis bien vite que cet homme me considérait en état de péché mortel puisque j'avais touché à l'hostie sacrée sans y avoir droit. Je ne me souviens pas de la réaction de mes parents (sans doute polie mais indifférente) car moi, je ne touchais plus terre. Pour moi, péché mortel signifiait que j'allais mourir dans les minutes ou, au mieux, dans les heures qui suivaient. Je commençai à trembler et à m'observer de l'extérieur, pour tenter de déceler déjà les premiers signes de l'agonie.

Mes parents ne sachant pas que j'avais entendu ne firent rien pour me rassurer. De mon côté, je leur cachai, honteux de mon acte, les affres que j'étais en train de traverser. Ainsi la situation dura-t-elle un certain temps, jusqu'à ce que je me rende compte que, s'il y avait mort annoncée, elle prenait décidément bien son temps. Le lendemain, quand je constatai que j'étais toujours de ce monde, l'abbé, à mes yeux, perdit immédiatement toute crédibilité. Je lui devais pourtant une de mes plus belles frayeurs d'enfant.

Cet abbé est mort il y a quelques années. J'en ai tout de même ressenti quelque chose. On doit s'attacher à ses bourreaux!

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme quoi !

JaHoVil a dit…

Quelle belle histoire !
Hormis cette frayeur bien compréhensible, ce que tu as vécu me fait penser à "laissez venir à moi les petits enfants" et à ce qui est arrivée à la femme qui avait des pertes de sang et qui a été guérie en touchant le vêtement du Christ.
Autre chose : ne garde pas tes frayeurs au fond de toi, parles-en :)
Bises, J.

Anonyme a dit…

Bourreau ? Quand même pas ! Mais c'est vrai que le curé qui vous fait le cathéchisme marque.

S. a dit…

C'est un bien beau récit que tu nous as fait partager. Moi, c'était bien le contraire. C'était assez convivial et ludique. Lorsque je le revois, il me dit bonjour en me serrant sa tete sur son épaule. Il a même un surnom officiel : Fifi pour père Philibert ... comme quoi tout évolue!
Bisous, S.

Calyste a dit…

Merci.Mais toi aussi, S., tu évoques une bien belle image, celle de cette tête sur l'épaule, serrée tendrement. Même par un curé, je suis preneur!
Bisous. R.

Anonyme a dit…

L'abbé sur sa moto : je suis INDECROTTABLE et je sais que ça fait partie de clichés imbéciles, mais, si je peux très bien admettre un abbé sur une moto, et même en blouson de cuir avec un bandana sur la tête (hors offices, évidemment), voire fumant des joints derrière l'église, en revanche je ne peux pas me représenter un abbé roulant en moto, se déplaçant EXPRES pour aller raconter des foutaises pareilles...

Je ne remercierai jamais assez mes parents de m'avoir épargné TOUTES CES BETISES dans mon enfance...

L'abbé en question est mort il y a quelques années : pour finir, il a dû être rattrappé lui aussi par la liste de tous ses péchés, mortels ou véniels....

Calyste a dit…

Autre temps, autres mœurs!