jeudi 23 octobre 2008

L'autre.

Qu'est-ce qui a vraiment changé chez les élèves depuis que j'enseigne? C'est la question que je me posais ce matin pendant que je surveillais un contrôle. Et j'ai eu une réponse presque immédiate. Une élève, bonne élève, n'a pas cessé de me poser des questions: quatre en dix minutes, auxquelles je n'ai pas répondu. Une fois les consignes données et clairement expliquées, je ne réponds plus.

Ce qui a changé, c'est le point de vue de l'élève. Autrefois élément d'une classe, d'un ensemble plus ou moins glorieux, plus ou moins reconnu par les classes voisines, d'une "fratrie" qu'il avait à cœur de défendre et de faire rayonner, l'élève d'aujourd'hui n'a nullement conscience d'appartenir à un groupe. Il est là en tant qu'individu, apportant avec lui ses problèmes personnels, familiaux ou relationnels, il entend bien conserver ce statut d'entité particulière et pour lui primordiale.

Donc à la moindre question, au moindre doute, il est évident que l'adulte en face va s'arrêter dans ce qu'il disait et répondre à ses angoisses, éclairer sa lanterne, en priorité, en abandonnant le troupeau des autres. Hélas, c'est peut-être bon dans la Parabole de l'Enfant Prodigue, pas dans l'enseignement. On voit où mène cet état d'esprit quand il s'agit de les faire travailler en groupe. Certains refusent, d'autres accaparent la parole, d'autres, qui ne peuvent l'obtenir pour eux seuls, s'effondrent en larmes (je parle ici des sixièmes).

Le plus gros travail de l'enseignant aujourd'hui, mise à part la transmission d'un savoir spécifique à sa matière, est cet apprentissage de la socialisation, du savoir vivre ensemble, du respect de l'autre dans sa différence, de la reconnaissance de cet autre dans son altérité: il n'est pas moi, mais c'est un autre moi-même que je dois respecter si je me respecte.

Et qu'on ne me parle pas de baisse des niveaux. Platon en parlait déjà à son époque: depuis le temps, on doit commencer à racler le fond! Non, l'essentiel, pour moi, c'est de leur apprendre à vivre à côté du semblable et différent.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ta note, j'ai envie de l'imprimer et de l'afficher au fronstispice des IUFM....

Je peux te dire que j'ai exactement le même ressenti que toi, en lycée. Sauf que j'ai d'autres hypothèses (qui ne contredisent pas les tienes d'ailleurs) pour justifier ce "nouveau" comportement : certains élèves ne supportent pas de rester seuls et muets face à l'angoisse de l'incertitude devant une question qui se pose, et, au lieu de chercher à la résoudre eux mêmes avec leur jugeotte (ce qui leur prendrait, à tout casser, 30 secondes en se concentrant) ils préfèrent se jeter sur l'immédiate et rassurante manette qu'on peut actionner à volonté : le prof. Un prof c'est fait pour répondre aux questions, quelles que soient les circonstances, non ?

Mais la question plus grave qui se pose, je trouve, c'est que l'apprentissage de cette 'attitude correcte' dans un groupe, de cette 'autonomie' cette 'courtoisie' si nécessaires en société, ils ne l'ont plus en arrivant à l'école. Il faut que ce soit les profs qui la leur enseignent. Or, si les "élèves d'autrefois" la possédaient, cette baguette magique (puisqu'il n'y avait aucun besoin de leur apprendre cela il y a 20 ou 30 ans), où s'est-elle perdue entretemps ? Pour quelles raisons ? Dans quels méandres ?

Anonyme a dit…

D'accord avec vous deux : on est dans une culture de la satisfaction immédiate du désir. rien d'autre n'existe que ce que JE veux, et le prof a intérêt prendre mon désir en compte, tout de suite.

Je réponds souvent aux élèves deux choses : soit "je ne suis pas google", soit " réfléchis une seconde, et demande-toi s'il fallait vraiment que tu interrompes un cours pour 25 personnes juste pour me dire que ton tippex est vide/tu n'as pas de feuille/tu ne sais pas s'il vaut mieux sauter une ligne ou deux."

Je ne me rappelle pas cela de la part de mes camarades du temps, pas si lointain, où on était au collège.

Cela dit, je pense aussi que les jeunes sont bien plus angoissés que nous le fîmes : la vie va très vite, pour eux aussi, pour leurs parents stressés qui n'ont plus le temps de leur accorder des moments de détente, sans stress. La télé en permanence (souvent même la nuit, plusieurs de "mes" parents ne se gènent pas pour l'avouer), la communication sms et chat hyper rapide, etc, conditionnent leur perception du monde.

Anonyme a dit…

"fûmes", bien sûr, désolée.

Calyste a dit…

Je suis en VACANCES. Je ne vous répondrai pas, na! Bises à tous les deux, et bonnes vacances aussi!