Rencontres

Hier, la première se fit devant la boîte à livres de la place Guichard. Alors que j'en explorais les richesses (assez maigres ce jour-là), une métis à vélo, une femme charmante et souriante,  arriva et se mit à me parler. Elle me dit son bonheur d'avoir eu accès à ce "fournisseur" de lectures pendant le confinement. Elle s'étonna de ce que je lui dise que certains aigrefins fréquentaient assidument les lieux pour faire main basse sur les bouquins offerts et les revendre ensuite, ce qui me semble une pratique assez courante. Avec d'autres "visiteurs", nous en avions, un jour,  viré un. Je fis le choix de Nexus, de Henry Miller. 

La deuxième dura beaucoup plus longtemps. Alors que je passais devant la MJC des Rancy, un homme d'une cinquantaine d'années me lança : "Ça, c'est du lourd !). Il parlait du roman de Miller. S'engagea une conversation qui devait durer plus d'une heure. Après divers métiers, il exerçait celui de prof de yoga à ladite MJC et, cerise sur la gâteau, il n'est pas désagréable à regarder (litote, Cornus !). Après la littérature (Miller, Mann, ...), nous bifurquâmes sur la philosophie et découvrîmes notre amour commun pour Montaigne. 

Bientôt arriva un jeune homme qu'il avait eu autrefois comme élève, quelqu'un qui, suite sans doute à de la timidité, parlait très vite derrière son masque. Heureusement, il l'enleva bientôt. Ce personnage m'émut beaucoup parce qu'il essayait de répondre à toutes les questions qu'il se posait quotidiennement, en particulier sur la peur. Réponse à laquelle il n'avait pas toujours les clefs. Mais le quinquagénaire (quadragénaire peut-être) devait aller donner son cours. Il fallut redescendre sur terre. J'étais ébahi d'avoir eu une conversation intellectuellement aussi intéressante de façon impromptue et sur un coin de trottoir ! Voilà bien quelqu'un que j'aimerais revoir !