samedi 29 octobre 2011

Microcosme

Les cimetières sont-ils des endroits tristes et ennuyeux? Je ne crois plus aujourd'hui. Enfant et même un peu plus tard, c'était pour moi une épreuve à subir à chaque fois. Dans mon esprit, ces lieux étaient vides. Je savais qu'il y avait à mes pieds, sous la dalle, ma grand-mère, mon père, ma petite sœur et d'autres que j'avais à peine ou pas connus. Mais je n'arrivais pas à imaginer qu'il soient ainsi, morts définitivement, en putréfaction, coincés à jamais sous cette chape de granit. Pour ma sœur, je m'étais inventé une histoire: elle était partie un jour sur les routes, pour mener une vie de bohème, pour ne plus revenir. Alors, je regardais en face, de l'autre côté de la vallée, les cimes boisées du Pilat couvert de sapins et de bruyères. Et je regrettais qu'ils ne puissent eux aussi les voir comme je les voyais, dans leur beauté d'automne. Sur la tombe de Pierre, égoïstement, je n'ai pas mis de dalle: de la terre qui ne masque pas (dans ma folie) la vue, et une lavande pour la vie qu'y apportent les abeilles.

Aujourd'hui, il m'arrive parfois de m'y promener, à l'occasion d'une visite. Après avoir été muets pendant des années, ils me parlent maintenant. Ils sont le reflet exact d'un village, d'une région, d'un pays. Les visages des morts dans un sourire d'autrefois et qui sourient encore sous les craquellements du temps. Des jeunes, des vieux, des beaux, des laids, ceux pour qui on invente une histoire, ceux dont on croit deviner le caractère, ceux que l'on aurait aimé connaître. Des plaques commémoratives, aux messages un peu niais, à la poésie de bazar ou aux envolées dithyrambiques. Des tombeaux, du plus simple au plus orgueilleux, véritable maison remplie de pacotille, ceux qui sont entretenus régulièrement, ceux qui penchent avant de tomber, ceux qui ne sont plus que ruines, dont le dernier mort est depuis longtemps réduit en poussière et que la végétation envahit, mauvaise herbes disgracieuses, cyprès monumental ou rosier resplendissant.

Et puis, les noms de famille: ceux qui, à eux seuls disent un long chemin de voyages et de fatigues, ceux à rallonge, qui s'effacent comme les autres, les imprononçables, les drôles sans le savoir, les célèbres, les sans grade, les redondants. Tout un monde qui fut et dont, avec eux, a disparu le souvenir.



Et la splendeur des couleurs de novembre, ces fleurs d'or que l'on y dépose une fois l'an et qui finiront sous le gel ou renversées par le vent.

6 commentaires:

Jérôme a dit…

Je n'aime pas les cimetières français avec ces successions de dalles de pierre. Je préfère quand la terre, les plantes, sous une croix ou une stèle ne masque pas la vue.

Calyste a dit…

Jérôme: bon WE de Toussaint.

Cornus a dit…

Les cimetières autour de la Toussaint ont de la gueule grâce aux fleurs de chrysanthèmes. Sinon, je n'y vois aucun autre intérêt que les aspects culturels et sociologiques (ce qui est rédigé sur les monuments et autres plaques).

Calyste a dit…

Cornus: pareil que moi, donc ! Affinité de scorpions ?

Cornus a dit…

Quels scorpions ? Il n'y en a pas par chez nous :-)

Calyste a dit…

Cornus: mille excuses, j'avais oublié ta détestation pour le zodiaque!