lundi 4 juillet 2011

A la manière de (suite.4)

Dès notre retour au 221 b Baker Street, Holmes s'installa confortablement dans le salon et me donna sa version des faits:
- Mon cher Watson, voici un bref résumé de notre inspection sur les lieux du drame.

Il prit une profonde inspiration et commença:
- J'ai découvert, près de l'échelle, un bouton de manchette en argent gravé d'un signe hindou. Une tache d'encre noire était visible sur le tapis, à gauche, sous le bureau. La marque ronde, décolorée, sur le bord gauche du bureau, est certainement due au fait que Lord Stonehill posait sa tasse de thé toujours au même endroit. Cela indique qu'il était maniaque et gaucher. J'ai également fait un constat troublant: au milieu des relevés bancaires, il y avait une feuille, écrite à l'encre noire, avec une tache d'encre. Elle était remplie de mots sans lien les uns avec les autres. Le texte était incohérent. De plus, j'ai constaté la présence de nombreux cheveux sur le tapis persan.
- Ceci est effectivement fort surprenant et intéressant, lui dis-je respectueusement.

Il réfléchit un long moment et annonça finalement:
- Mon ami, il nous manque de nombreuses précisions et de nombreux indices. Pourriez-vous faire quelques petites recherches pour moi?

J'acquiesçai:
- Oui, sans hésitation! et il commença à me donner ses directives:
- Tout d'abord, allez à Chelsea, dans le quartier des peintres pour recueillir des informations sur les peintures utilisées dans le bureau. Ciblez les peintres décorateurs et les artistes des mouvements Esthète et Impressionniste. Pendant ce temps, j'irai à Scotland Yard voir le commissaire Lestrade pour l'interroger sur ce qu'il a constaté. Puis je me rendrai à la banque pour recueillir des renseignements auprès des collègues du défunt. A la suite de cela, j'irai trouver le beau-frère de notre cliente. Rendez-vous ici pour l'heure du thé. disons à seize heures trente.

Puis il se redressa vivement de son fauteuil et sortit en trombe pour enquêter sur ce curieux décès. J'étais intrigué et heureux qu'il me confie cette mission, sans vraiment comprendre ce que j'allais chercher. Je sortis rapidement de la maison. Dehors, le brouillard dense et pénétrant me contraignit à réduire l'allure. L'atmosphère des rues était sinistre. Je décidai donc d'utiliser le nouveau mode de transport londonien que j'appréciais peu: la circulation souterraine. Ce jour-là, cette année-là, pour la première fois, je fus content de m'engouffrer dans la station de métro Baker Street, inaugurée en 1863.

Mes recherches furent longues mais efficaces. Je rejoignis le 221b Baker Street à l'heure convenue, impatient de faire part de mes découvertes à Holmes. J'étais certain d'avoir bien accompli ma mission. Lui était déjà de retour. Il jouait un air joyeux de violon dans le salon. Visiblement, il semblait enjoué et satisfait lui-même de ses investigations. Il remarqua tout de suite mon empressement à le rejoindre et me lança d'un ton joyeux:
- Alors, mon cher Watson, détaillez-moi vite les éléments intéressants que vous avez pu récolter.
J'étais ravi de son invitation à prendre la parole le premier:
- Volontiers, mon cher ami, je vais vous résumer l'essentiel de ma fructueuse recherche. Je suis impatient d'entendre ensuite la synthèse de la vôtre qui semble l'avoir été tout autant, dis-je avec un large sourire.

Sherlock Holmes m'adressa un regard rieur et malicieux mais il demeura silencieux. Je m'installai dans le fauteuil face à lui pour tout raconter:
- En premier lieu, à Chelsea, j'ai rencontré Tim Jodis, le célèbre artiste londonien qui a fait la décoration de la maison des Stonehill. Victoria Stonehill lui avait demandé de rénover toutes les peintures murales du bureau de son mari, il y a un peu plus d'un an. William était un grand amateur d'art et un collectionneur passionné. Il était le mécène d'artistes esthètes en vogue. De plus, il a participé au financement de leur galerie d'exposition. Ces personnes ne semblent avoir aucun intérêt à le supprimer, de toute évidence.
Ensuie, je suis allé au Victoria et Albert Museum. J'ai obtenu un entretien avec le directeur et conservateur du Département des Antiquités, le professeur Dukety-Jones. Cet archéologue m'a donné de précieuses informations sur les pigments composant les peintures de l'Antiquité, de la Renaissance, et sur ceux utilisés par les artistes esthètes et impressionnistes. Ces peintres boudent les nouvelles peintures chimiques, ils préfèrent l'usage des peintures plus traditionnelles, aux couleurs vives et chatoyantes, pour exprimer leur art. Ainsi le blanc contient du plomb, le rouge vermillon du sulfure mercurique et le vert de Paris, appelé vert émeraude, de l'arsenic. Comme vous le savez, ce poison mortel, surnommé"la poudre de succession", est efficace et radical pour se débarrasser de ses rivaux. De nombreux cas dans l'Histoire en témoignent. Le bureau de William Stonehill est donc presque entièrement recouvert d'une peinture vert émeraude contenant de l'arsenic. Le point intéressant est celui-ci: l'humidité et les moisissures altèrent la peinture verte et, par un phénomène physico-chimique, l'arsenic se transforme alors en gaz, en "vertes" vapeurs d'arsenic. Plus le taux d'humidité est important et plus le vert devient brillant.

Holmes m'écouta avec attention. Il demeura impassible et je m'imaginai qu'il recoupait toutes ces informations avec les siennes. L'enquête avançait vite, j'en étais sûr. Il me fit signe de reprendre la parole.
.....

4 commentaires:

Caly a dit…

En plus de l'écriture fluide et totalement en phase avec le sujet, j'ai envie de saluer ici le travail de recherche qui a permis à l'auteur de nous abreuver de détails subtils et magnifiques !

Encore bravo !

Calyste a dit…

Caly: oui, il trouve très bien le petit détail qui fait vrai!

Cornus a dit…

L'auteur va te réclamer des droits. Très attachant.

Calyste a dit…

Cornus: j'ai presque honte!