vendredi 26 juin 2009

Hiroshima, fleurs d'été

Dans les trois récits réunis dans ce volume, Tamiki Hara raconte par petites touches sensibles les événements qui ont précédé et suivi le largage de la bombe atomique sur Hiroshima, le 6 août 1945 ainsi que cette journée d'été apocalyptique.

Il nous fait appréhender, par l'histoire de sa famille proche et la sienne propre, le drame de ce pays au moment où il se découvre dans le camp des vaincus, en but à la dure loi de vainqueurs. Ainsi voit-on le peuple affolé de la ville s'enfuir de la cité vers des lieux moins urbanisés à chaque alerte nocturne, la façon dont est organisée la défense passive et la désorganisation de toute une société et de toute une industrie.

La description de ce 6 août est bien sûr éprouvante et rendue plus proche et plus terrible dans son horreur par le parti pris de le raconter d'un point de vue intérieur, personnel, celui de ce "je" qui découvre peu à peu l'immensité de la catastrophe. Pas une seule fois dans les premières pages n'est utilisé le mot bombe, car "je" ne sait pas qu'il s'agit de cela. Aux pages sur la destruction des immeubles, des ponts, des végétaux et sur l'épouvante des cadavres jonchant les ruines succèdent celles du désespoir des survivants, blessés ou non, qui peu à peu décèdent dans d'atroces souffrances sans comprendre pourquoi leur corps se tord et brûle ainsi.

En 1951, Tamiki Hara, lui-même survivant de l'enfer, se jettera sous les roues d'un train de banlieue alors que d'autres victimes continueront pendant de nombreuses années à mourir de ce mal largué du ciel.

Je partis avec mon autre frère pour la digue de la rivière et nous pressâmes le pas en direction du pont provisoire de Temma. Le cours d'eau à côté de nous était maintenant tout noir et au milieu des ruines ravagées par l'incendie qui progressait sur l'autre rive, on ne voyait pas de lumière. Le chemin obscur et plutôt froid était long. Nous sentions flotter l'odeur de mort qui arrivait on ne savait d'où. Aux alentours restaient encore, innombrables, des corps écrasés sous les maisons qui n'avaient pas été enlevés, et cela faisait déjà longtemps que je savais ce genre de lieu propice à l'apparition de vers, mais les décombres noirs comme du charbon, lugubres et déserts, semblaient toujours menaçants pour la population. Soudain, j'entendis vaguement les pleurs d'un bébé. Ce n'était sûrement pas une erreur de mon oreille, car à mesure que j'avançais, cette voix devenait de plus en plus distincte. Énergique, triste, mais quelle voix innocente et naïve. Dans les environs, des hommes avaient déjà repris leur vie et même les bébés pleuraient! Une sensation inexprimable me déchira les entrailles.
(Trad. de Karine Chesneau)

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