dimanche 7 juin 2009

Avant

(Écrit dans le train, le vendredi 5 juin)

Quand le train est parti tout à l'heure, il y a juste une heure, la première chose que je me suis dite, c'est: " Sois là, sois au bon endroit, au bon moment. Ni dans le passé, ni dans la projection, ni ailleurs." Et je songeais déjà à écrire, belle façon d'échapper à la contrainte à peine édictée.

J'ai vu passer le parc de la clinique. Ma mère était là, tout près. Et puis, j'ai fermé les yeux. j'ai sombré. Un filet de salive qui descendait en direction de mon menton m'a réveillé. J'avais fait plus que m'assoupir. La femme à côté de moi, que l'attribution de ma place a séparée de son mari, lit un roman de Fred Vargas et ferme parfois les yeux, elle aussi. Le train s'est arrêté à la gare TGV de Valence. Je n'en ai pas vu grand chose, elle semble s'encastrer dans une faille creusée dans le sein d'une petite colline.

C'est à ce moment-là, sans doute encore légèrement ensommeillé, que j'ai ressenti un furtif pincement. Qu'est-ce que je fais là? J'ai dit ma destination à Evelyne, ce matin pendant la récréation. Elle n'a pas voulu paraître surprise mais je la connais: je suis certain qu'elle l'était. Bizarrement, elle a dévié (mais pour elle était-ce vraiment dévier?) la conversation sur une amie commune qui fréquente les réseaux de rencontre et y a déjà connu heurs et déboires. Je ne sais que penser de cette transition. Que penser d'ailleurs de ma décision d'entreprendre ce voyage d'un week-end? Je n'ai pas voulu réfléchir trop longtemps et je ne le regrette d'ailleurs pas.

Ce petit moment de flottement n'a pas duré. J'ai vu l'impressionnante tour carrée, ce qui reste du château féodal de Crest, au bord de la Drôme, qui servit de prison sous différents régimes. J'ai vu les éoliennes, de plus en plus nombreuses et qui ne me semblent pas défigurer le paysage où elles sont placées, en tout cas pour le moment.

Je voyage à l'aller en première. Pas par choix. Il n'y avait pas d'autres places. Je n'ai jamais beaucoup aimé les premières: ce n'est pas mon monde. Je vois bien qu'au fil des années tout cela s'est considérablement démocratisé mais tant pis: je reste irrémédiablement attaché à mes convictions. Et puis les dossiers des fauteuils y sont trop hauts pour permettre d'apercevoir ses voisins de compartiment. Un seul avantage: les enfants en bas âge n'y sont pas légion.

Le roman de Yasmina Khadra, L'Attentat, que je lis actuellement m'intéresse moyennement. Après un début prometteur, je m'y ennuie un peu. Mais rares maintenant sont les romans où je ne m'ennuie pas. J'en ai emporté deux autres, un japonais bien sûr, et un De Luca. Il est rare que je sois déçu dans l'une ou l'autre de ces directions.

Je pense à mon arrivée, tout à l'heure, en gare de Monpellier. Paradoxalement, je vais d'abord rencontrer Tinours, que je ne connais pas du tout, lui. Lancelot, quand je descendrai du train, sera encore au lycée. Je ne sais toujours pas ce que nous réserve la météo. La radio annonçait orages et pluies, mais ils tardent à se déclarer. En soirée, peut-être!
La vision de ces paysages provençaux que j'ai tant connus ne me gêne pas. c'est la mort d'Amédé qu'inconsciemment je n'ai pas encore acceptée. Revoir les pays où nous avons pérégriné ne m'est pas douloureux, au contraire. le ciel s'est beaucoup couvert depuis ce matin. Dans une demi-heure je serai arrivé. Je retourne à ma lecture.

Se souvenir qu'à Nîmes il y a un lycée Ernest Hémingway.

De quel nom va-t-il m'appeler? Calyste ou bien...

5 commentaires:

piergil a dit…

Alors? ... raconte!....
c'est bien joli les préliminaires , mais s'rait temps de passer à l'acte! ... ;-)

Kab-Aod a dit…

Avec ton premier paragraphe, j'ai retrouvé cette phrase que je me disais souvent, à une époque où je transformais tout en écriture ou bien image. Aujourd'hui, le "sois présent", je crois l'avoir atteint.
J'ai lu ce matin le rapport de Lancelot. Hâte donc de suivre ton angle de vue :)

Calyste a dit…

Un peu de patience, Messieurs!

Pour moi, Kab-Aod, je cherche encore parfois.

Lancelot a dit…

@ Calyste : Je n'aurais jamais cru que tu te poserais autant de questions existentielles avant de venir...
Ont-elles trouvé réponse....? La suite au prochain numéro...

Calyste a dit…

On ne se refait pas, cher! Bientôt la suite des révélations.