dimanche 7 octobre 2007

Abécédaire (B)

Bach, bien sûr, en premier.
C'est Pierre qui m'a fait connaître cette musique, qui m'a fait connaître la musique. Il savait jouer de l'orgue. On lui demandait souvent d'animer les mariages des amis. J'avais parfois l'impression qu'on le prenait pour un distributeur où il suffit d'introduire une pièce de monnaie pour qu'il doive jouer. Mais je préférais encore ça aux mariages où il devait carrément officier et où j'avais la sensation de ne plus le reconnaître.
Un jour, dans un petit village corse (Castagniccia? Balagne?), nous avons pu accéder en catimini à l'orgue. Un orgue à soufflet qu'il a fallu que j'actionne pendant que Pierre essayait de jouer.
Résultat: rien, si l'on excepte les remarques peu aimables de Pierre à mon égard ("Mais vas-y, vas-y plus fort. Qu'est-ce que tu fais?") et quelques douleurs musculaires pour moi: le soufflet était percé. Un habitant du village, attiré par ces bruits peu habituels, nous a fait l'historique de l'église et de son instrument, et a paru très honoré que l'on s'y intéresse. Pierre toujours aussi heureux de bavarder avec des inconnus, ouvert à l'autre.
Comme il m'a fait progresser sur ce chemin-là.

Barbara, tout de suite là aussi:
ces soirées avec Yvon, où, adolescents, nous consumions notre mal de vivre en l'écoutant: Nantes, Vienne, Pierre, Remusat... Non, nous ne le consumions pas, nous l'entretenions au contraire, trop heureux de découvrir quelqu'un (même si c'était une quelqu'une) qui partageait ces nostalgies, ce vague à l'âme que nous voulions tant reconnaître chez d'autres tout en le considérant comme uniquement et essentiellement nôtre.
Aujourd'hui, lorsque j'écoute Barbara, c'est que je suis bien dans ma peau. Pour soigner le spleen, il y a la course à pied ou le fond des casseroles à récurer. J'ai eu la chance de trouver le remède. Yvon, lui, n'a pas su s'éloigner à temps du marais: il y a sombré un matin de Décembre, il y a plus de trente ans. Je l'ai trouvé pendu derrière sa porte. De tout cela , je parlerai une autre fois.

Bêtise, un nom commun tout de même:
tellement commun, mais la pire des bêtises, c'est l'injustice.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Jouer de l'orgue en corse ! ...
Mais c'est très bien de faire le shadock qui pompe.
J'aimerais bien parler de ce qui faisait que tu ne reconnaissait pas Pierre dans certaines circonstances.