dimanche 10 novembre 2013

Du poids des jugements

Je suis né le même jour que Camus, trente-neuf ans plus tard. La première fois que je l'ai rencontré, c'était en terminale où j'avais tenu à conserver les cours de français, bien qu'ayant déjà passé mon bac.

Et la rencontre fut désastreuse. J'avais toujours eu des professeurs de lettres hommes, des vieillards semblables au David de Michel-Ange, impressionnants et graves, des puits de science qui me firent aimer la littérature. Pour la dernière année de lycée, je tombai sur une femme, femme et jeune ! Sa façon de s'asseoir sur les bureaux me déplaisait profondément, et il me sembla vite que l'essentiel de sa pédagogie consistait à charmer les adolescents boutonneux que nous étions tous en montrant plus que de raison une bonne partie de ses jambes. Pas un instant, je ne crus en son savoir.

Je ne me souviens d'ailleurs pas du tout de ce que nous étudiâmes cette année-là, à l'exception de L'Etranger que je rejetai immédiatement puisque c'était elle qui nous l'avait proposé. Je n'y vis que modernisme de bonne compagnie et me réfugiai immédiatement derrière mes souvenirs illuminés de Racine, de Maupassant ou de mes auteurs antiques.

Lorsque, au début des mes années d'enseignement, je fus contraint à mon tour de le proposer à mes élèves, je fis bien sûr suivre son étude de celle de Phèdre. Une de mes élèves, intelligente et à la langue bien pendue, me fit remarquer qu'à son avis, j'adorais racine et n'aimais pas Camus. Ce en quoi elle ne se trompait nullement. C'est elle qui, alors, me prêta Les Justes, ce afin que je révise mon jugement qu'elle trouvait trop injuste. Je fus enthousiasmé par cette pièce.

Depuis, je me suis juré de lire d'autres œuvres de Camus, et je n'ai jamais tenu ma promesse. Par peur, sans doute, de retomber dans ma détestation ou parce que, comme pour certaines œuvres musicales, je considérais qu'il fallait que je mûrisse avant d'entrer dans cet univers. Il serait peut-être temps que je m'y mette.

6 commentaires:

Cornus a dit…

Tu as eu de sacrés élèves. En existe-t-il encore de tels aujourd'hui ?
Ben moi je n'ai jamais lu une seule ligne de Camus à l'école ou ailleurs. Je suis passé entre les gouttes, mais ces gouttes seront peut-être à découvrir à petites doses...

plumequivole a dit…

Moi aussi j'ai eu bien du mal avec Camus en 1ère et Term et pourtant mon vieux prof de français ne nous montrait pas ses jambes, Dieu soit loué ! Ma prof de philo le faisait et elle ne subjuguait pas que les adolescents boutonneux, mais c'était une aussi prof extraordinaire.
Plus sérieusement, c'est curieux moi aussi j'ai enthousiasmé par une pièce de Camus, mais c'était Caligula.

CHROUM-BADABAN a dit…

Comment exister sans avoir lu Camus ?!

Calyste a dit…

Chroum : en lisant autre chose ....

André a dit…

Je lisais les auteurs américains et, à leur côté, Camus me paraissait bien faible. Lorsque tu auras, ou n'auras pas, révisé ton jugement, n'oublie pas de nous en aviser. Merci.

Calyste a dit…

André : j'ai toujours eu aussi un faible pour la littérature américaine. Mais j'ai parfois maintenant l'envie de me pencher sur Camus.