samedi 26 janvier 2013

Vingt ans

" J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. "  Tout le monde connaît l'incipit de l'ouvrage de  Paul Nizan, Aden Arabie, qui le rendit célèbre. Pour préciser ma pensée suite aux commentaires de Karagar et de La Plume sur le billet précédent, je dirais que je partage entièrement cette assertion.

Ma phrase ("Mais qui, a vingt ans, n'a pas de succès?") ne signifie en rien que j'étais heureux et épanoui à cet âge-là. Je crus l'être un moment. Qui n'est pas heureux de voir des regards se détourner pour l'observer, surtout lorsque l'on est aussi peu sûr de soi que je l'étais à l'époque ? Qui ne croirait pas, dans la naïveté qui n'a pas disparu après l'adolescence, à toutes ces paroles flatteuses et énamourées ? Étant, dans mes premiers mois à Lyon, totalement seul, perturbé par la mort de ma petite sœur, j'étais une proie d'autant plus facile pour les bonimenteurs plus intéressés par le galbe rebondi de ma chute de reins, ou d'autres réalités plus intimes mais uniquement physiques, que par le besoin de reconnaissance et de tendresse qui me taraudait.

Le bonheur que je connus à l'époque n'était qu'un semblant de bonheur, un étourdissement journalier que me procuraient des conquêtes faciles mais sans lendemain pour la plupart. Et lorsque je me rendis compte de la vacuité de ces rencontres, lorsque je compris que j'étais, pour ces hommes, totalement interchangeable, un objet passager de plaisir, une source de gloriole d'avoir mis dans son lit quelqu'un d'aussi jeune, un corps et rien d'autre, j'en conçus une immense tristesse. Je me sentis perverti et sale, alors que les gens de mon âge qui m'entouraient me semblaient, eux, encore pleins d'espérance et de rêves.

C'est à ce moment-là que j'eus l'idée, pour la seule fois de ma vie, de me suicider. La rencontre avec Pierre vint à point nommé pour m'empêcher de passer à l'acte. Yvon, lui, n'eut pas cette chance. Il me fallut des années pour remonter la pente, pour retrouver une certaine estime de moi et pour considérer la vie autrement que comme un marché de dupes.

Que m'en reste-t-il aujourd'hui ? Une profonde allergie pour le factice, pour la fête à tout prix, pour les ghettos et pour tout ce qui n'est pas vrai. Ce n'est pas toujours plus facile à vivre mais, au moins, je suis le chemin que je me suis tracé, le seul qui me convienne.

12 commentaires:

Pastelle a dit…

Pour tout bagage on a vingt ans
On a unr rose au bout des dents
Qui vit l´espace d´un soupir
Et qui vous pique avant de mourir
Quand on aime c´est pour tout ou rien
C´est jamais tout, c´est jamais rien
Ce rien qui fait sonner la vie
Comme un réveil au coin du lit...

etc...

Cher Ferré, il a tout dit...

Pastelle a dit…

une rose*

Décidément, je me spécialise dans les fautes sur ce blog... :(

karagar a dit…

Merci Calystee de nous répondre par une notre entière ! Mais je crois que tu as mal saisi le sens de ma remarque. Je ne parlais en rien du bonheur, je prenais ta phrase au pied de la lettre, je parlais de séduction. Je ne plaisais pas à 20 ans, j'étais d'ailleurs puceau pour encore longtemps, et donc ta phrase m"a vraiment fait l'effet d'un coup de couteau. Paradoxalement, je n'étais pas malheureux, j'avais mes cathédrales, ma langue bretonne, mes soeurs. A posteriori mes années estudiantines me paraissent monacales, dans la cadre de ce Paris dans lequel j'étais si mal à mon aise et que je fuyais vers ma banlieue dès mon dernier cours terminé. Aujourd'hui, à plus deux fois cet âge, je sais qu'il m'arrive de plaire ( à des femmes je crois surtout.

plumequivole a dit…

Oui, merci Calyste pour cette éclairante et sincère réponse. C'est pour des échanges comme celui-là que j'aime bloguer!

Didier M a dit…

Oui mais....tu as rencontré P. C'est qu'à chacun il est donné un jour de faire LA rencontre. Combien ne s'en apercevoir pas!

Jean-Pierre a dit…

"Rien de bien sulfureux" m'avais-tu dit ? ;-) Je trouve ces deux derniers billets qui parlent de besoin d'amour et de reconnaissance, de fragilité, de blessures et de cicatrices portées à vie, extrêmement touchants, intimes et courageux. J'ai beaucoup de mal à réagir avec justesse, par pudeur devant un homme qui se met à nu, certainement.

Cornus a dit…

J'ai transformé mon commentaire que je voulais faire ici en note.

Calyste a dit…

Pastelle: je ne connaissais pas cette chanson de Ferré! Pour les fautes de frappe, j'en fais pas mal moi aussi, et ce n'est pas là l'essentiel.

Karagar: peut-être plaisais-tu et ne t'en rendais-tu pas compte ?

La Plume: non, pas de merci, stp. Je ne fais pas toujours de billets "intimes" mais, lorsque c'est le cas, j'essaie toujours d'être le plus sincère possible.

Didier: je ne suis pas aussi sûr que toi qu'il n'y ait qu'UNE rencontre dans une vie d'homme.

Jean-Pierre: et j'aime cette pudeur, parce qu'elle me correspond, paradoxalement.

Cornus: oui, je l'ai lu et je vais le commenter.

karagar a dit…

en effet, c'est très possible

Calyste a dit…

Karagar: j'en suis sûr!

Georges a dit…

Comme je me retrouve en toi...

Calyste a dit…

Georges: alors, je te plains...:-)