dimanche 11 octobre 2009

Moulages et estampes

Hier après-midi, bien vite parce que c'était le dernier jour, je suis allé tout près de chez moi, au Musée des Moulages, voir l'exposition consacrée aux œuvres, en particulier aux estampes, de Zwy Milshtein.



La présentation de cet artiste aux actualités régionales (que je vois chez ma mère) m'avait intrigué, et surtout le choix de ce lieu si particulier du Musée des Moulages. Installé d'abord sous les toits de l'Université Lyon 3, quai Claude Bernard (et j'y ai alors suivi des cours d'histoire de l'art antique au milieu des visages énigmatiques des Korés et des fesses suggestives des éphèbes), puis transféré avenue Berthelot dans ce qui est aujourd'hui le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation à qui il dut céder sa place, j'eus la joie de le voir élire domicile à quelques rues de mon appartement, dans une ancienne usine désaffectée aux toits en dents de scie, alternant tuiles et verrières, si caractéristiques de ces petites unités urbaines.

J'y avais fait, il y a quelques années, un rapide détour alors qu'il n'était pas encore tout à fait installé et je m'étais promis d'y revenir une fois toutes les œuvres en place. Cette exposition de Milshtein constituait le prétexte idéal à une deuxième visite. Ce que j'avais vu en effet à la télévision, autant le style de l'artiste que l'intégration particulière de ses œuvres dans le cadre ouvrier et au milieu des statues archaïques, classiques et hellénistiques m'avait beaucoup attiré. Et ce que je découvris conforta totalement ma première impression.

Je n'ai pas l'intention de vous parler en détail de l'évolution de la technique de l'estampe chez cet artiste, depuis les bois gravés de 1946 jusqu'à la digigraphie (estampe numérique) qu'il découvrit, selon ses propres dires, en 2004, en passant par la lithographie, la sérigraphie et la linogravure, ou d'autres que j'oublie au passage. Je ne comprends que peu à tous ces termes, encore moins aux techniques qu'ils énoncent. Non, je me suis laissé porter par mon ressenti (et mon appareil photos, puisqu'il était possible de photographier): l'effet produit par la juxtaposition, parfois la superposition, de murs de parpaings gris, de moulages antiques ternis et patinés par les années et leurs différents déménagements, de reproductions de gisants de nos cathédrales et des différentes productions de Milshtein m'a étonné et comblé: tout cela se marie fort bien, il s'en dégage étrangement une unité certaine, une atmosphère asssez en accord avec le temps gris qui régnait au dehors et que l'on apercevait à travers les verrières.

D'ailleurs Milshtein lui-même a expliqué, dans un petit texte que j'ai récupéré en sortant du Musée, le pourquoi (ou bien plutôt le comment) de son exposition en ces lieux. Je joins ce petit texte à ce billet car je le trouve d'une justesse absolue, non pas parole vide d'un artiste mondain en mal de formules mais transcription en mots du regard d'un artiste vrai.

Pourquoi j'expose au Musée des moulages.
Quand on m'a proposé de faire une exposition au Musée des moulages, j'envisageais une exposition de peintures mais c'était avant d'avoir vu ces lieux. Et là, je me suis rendu compte que faire une exposition d'estampes convenait davantage à ce lieu magique.
En fait les moulages sont aussi des estampes ou tout au moins leurs frères jumeaux. Les estampes que j'expose s'étalent sur un demi siècle de travail. J'envisageais au départ de les exposer par ordre chronologique, ce que j'ai commencé à faire au sous-sol du musée, mais très vite je me suis rendu compte que ce n'était pas la solution.

J'ai pensé alors les présenter par techniques, ce que j'ai commencé à faire également. par exemple sur le mur en parpaings, j'ai exposé une série de lithographies et, pour qu'elles soient visibles, il a fallu bouger les sculptures.
D'ailleurs elles aussi ont leur mot à dire et elles ont pas mal chuchoté durant l'accrochage. Cela m'a beaucoup inquiété vu ma "parano".
Nous avions deux semaines pour monter l'exposition, cela me semblait largement suffisant. Je croyais pouvoir la monter en 2 ou 3 jours, mais je ne prenais pas en compte le peuple qui habite ces lieux. Enfin, j'ai compris que l'esthétique globale de ce lieu exigeait la vision de toutes les œuvres présentes. Alors, c'est devenu comme un jeu d'échecs compliqué où un faux mouvement peut faire tout basculer et ce genre de jeu aurait pu même durer des semaines et des mois.
Finalement, l'accrochage est partiellement chronologique, partiellement par techniques et partiellement sauvage. Dans cette exposition, fiez-vous aux cartels près des œuvres et bonne visite.
Milshtein.


(Zwy Milshtein est né en 1934 à Kichiniev (ex URSS), aujourd'hui capitale de la Moldavie. Après un long séjour en Israël (de 48 à 56), il est, depuis 1956, définitivement installé à Paris.)

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