lundi 6 avril 2009

La Mélancolie des fanfares.

J'ai lu La Mélancolie des fanfares, le huitième tome du Journal de Pascal Sevran (Novembre 2005/Novembre 2006) comme si c'était le dernier, persuadé que c'était le dernier. En fait il en reste encore un à sortir en poche et je m'en réjouis car celui-ci m'a un peu déçu. A croire que son auteur n'avait pas grand chose à dire.

Bien sûr, il évoque la politique, son amitié grandissante avec Nicolas S., comme il le nomme par une sorte de coquetterie ridicule, la montée en puissance de madame Royal aussi. Mais comme c'est fade! A croire qu'il ne peut se décider à lâcher un camp pour l'autre, à faire de la peine à ses anciens amis au profit des nouveaux. Ou alors, je veux bien le croire, la politique ne l'intéresse pas. Dans ce cas-là, pourquoi en parler? Pour nous montrer dans quelles hautes sphères monsieur Sevran évolue? Pourtant il fréquente aussi, et ne s'en cache pas, des jeunes gens beaucoup moins "en vue" quand il s'agit d'en faire ses amants.

Morterolles attire toujours autant de curieux. La maison nécessite des travaux, les jardins des aménagements. Bien. Mais Sevran n'est excellent que lorsqu'il donne un coup de patte assassin ou lorsqu'il parle de Stéphane, son ami dont la mort a provoqué l'ouverture de ce journal. Je me souviens encore de l'émotion qui m'avait bouleversé au moment de la lecture du premier tome, La Vie sans lui.

Ai-je donc tant changé, au point de ne plus supporter cette mélancolie dont il est question dans le titre? Ou bien cette mélancolie est-elle devenue peu à peu insupportable parce qu'omniprésente? Lorsque j'ai terminé d'écrire mes Lettres à Pierre, cet été, je me suis senti apaisé et je n'y reviendrai pas. Puis-je reprocher à un autre de ne pas avoir fait la même chose? C'est parce que je tiens à ces écrits (encore une fois, j'ai lu ce tome en moins de deux jours) que je suis dur avec leur auteur. Malgré ces réserves, j'attends déjà la parution du dernier.

Lorsque je dîne en ville ou "dans le monde" comme on disait autrefois, je ne pense jamais à ce journal, ni à l'écho que j'y donnerai de mes rencontres. Je ne prends pas de notes, je n'ai pas de magnétophone caché dans ma poche, j'écoute, je parle, je bois, je profite de ces soirées de ma vie en société avec gourmandise.
La littérature, c'est une autre histoire. Au moment d'écrire, je ne sais jamais ce que je vais retenir. Je suis étonné souvent des choix qui s'imposent à moi,comme si je ne décidais pas. Un journal n'est pas un roman: si les personnages sont mauvais, je n'y peux rien sinon les oublier, s'ils sont bons, ce n'est pas grâce à moi. Je ne décide pas vraiment. J'ai tenté parfois de donner de l'épaisseur à quelques-uns qui se sont évaporés aussitôt. Impossible de tricher, de prêter de l'esprit aux imbéciles, du cœur aux salauds. Ce que le roman autorise, le journal l'interdit. C'est l'inimaginable qui est vrai. Il ne suffit pas d'être ministre ou prix Goncourt pour être intéressant, ni même intermittent du spectacle. (Paris, 2 octobre)

( Pascal Sevran, La Mélancolie des fanfares, Livre de poche)

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