mercredi 28 novembre 2007

Un goût de "revenez-y".

J'ai emmené ma mère ce matin dans une clinique de Lyon pour un scanner cérébral: le neurologue qui suit sa maladie de Parkison avait peur que ces dernières chutes, dont deux plus violentes, ne lui aient endommagé quelque chose.
Heureusement, depuis une dizaine de jours, suite à un changement et à un allégement de son traitement, elle va bien. Nous sommes donc partis tranquillement et tout s'est bien passé de A à Z.
En fait, c'était moi, le moins bien. Je refaisais en pensée et en réalité le même parcours maintes fois emprunté pour les examens, hospitalisations ou chimios de mon père. Je n'étais pas passé par là depuis le mois d'avril. Rien n'a changé, sauf que mon père n'est plus là.
J'ai revu la salle d'attente où nous nous étions "installés", en plein courant d'air, le jour où il devait rencontrer le chirurgien, le jour où il m'a paru tout à coup si fragile, le jour où j'ai compris que c'était moi, le grand maintenant.
J'ai revu ces carrelages aseptisés, ces secrétaires bavardes et joyeuses (heureusement pour elles), ces portes qui s'ouvrent et se ferment sur des lieux inconnus, laissant apparaître un homme, plus rarement une femme, en blouse blanche savamment ouverte sur une abondante pilosité brune, ou la tête couronnée d'une tout aussi abondante chevelure poivre et sel légèrement ondulée servant d'écrin à de petites lunettes cerclées d'or.
Toutes ces apparitions ont le regard sévère et la mine absorbée de ceux "qui savent", et parfois, alors que les circonstances ne s'y prêtent pas, on se surprend à en trouver un beau, à le désirer, à imaginer. Quelque chose de vivant dans cette antichambre de la mort.
Alors, bien vite, on se détourne, on repose les yeux pour la centième fois sur cet homme assis en face de vous, un bonnet sur la tête pour masquer les ravages de son traitement, et qui ne regarde rien, que ses pieds, ou sur cette femme épuisée qui attend les résultats des analyses de son fils, en ressassant dans sa tête tout ce qui lui reste encore à faire aujourd'hui, ou sur cet homme aux cheveux blancs qui regarde un autre homme dans un miroir, les yeux vides, ailleurs et qui finit par se rendre compte que cet homme, c'est lui-même, c'est moi.
Et puis, la mère revient, dans son fauteuil roulant poussé par une gentille infirmière à la blouse bien fermée et à la coiffure un peu trop sage, le docteur l'accompagne ( bon point: il pourrait passer inaperçu, celui-ci: pas de lunettes à monture d'or, pas de torse inpudiquement exposé, rien qu'un vieux col roulé comme je les aime) et vous annonce que tout va bien, que la mère est très solide, que vous pouvez rentrer manger tranquillement.
Alors, vous vous apercevez que la vie est belle, qu'il y a du soleil dehors, qu'il fait froid mais sec, que c'est un temps idéal pour courir, et que, si ce n'est pas pour aujourd'hui, faute de temps, ce sera pour demain. Et vous vous sentez comme en vacances.

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