dimanche 3 mai 2015

Carmen au Paradis Perdu.

Hier soir, c'était opéra. Au programme : Carmen de Bizet. A propos de la mise en scène d'Olivier Py, j'avais entendu tout et son contraire. Les critiques officielles étaient plutôt bonnes mais la vox populi plus agitée : "des femmes nues dans Carmen, c'est une honte", etc, etc. Mon voisin de salle n'a d'ailleurs assisté qu'au premier acte et est parti furieux. Tant pis pour lui.

Le moins que l'on puise dire, c'est que c'est un spectacle décoiffant. D'abord aucune de ces "espagnolades" de carte postale dont j'ai horreur. Les cigarières ne sont pas des gitanes à la robe froufroutant de leurs trop nombreux rubans mais des girls aux seins nus et aux plumes dignes du meilleur spectacle de Mistinguette. Les soldats se rapprochent davantage des CRS et le cadre évoque un cabaret à la mode parisienne des années folles : le Paradis Perdu. Purement gratuit, me direz-vous? Pas tant que ça car, débarrassée du fatras traditionnel sévillan, le drame, à mon avis, y gagne en intensité, les personnages en sensualité et leur psychologie en profondeur. D'autant qu'enfin, les chanteurs qui interprétaient ces rôles avaient le physique de leur emploi.

Dans l'opéra de Bizet, les parties musicales non chantées sont nombreuses et, habituellement, au moins dans les représentations antérieures auxquelles j'ai assisté, on a coutume de "meubler" par des déplacements sur scène qui sont totalement artificiels, par des œillades assassines ou provocantes plus grotesques qu'évocatrices. Mais Py, pour moi, a eu une idée de génie : combler ses parties muettes par des petites scènes à la Magic Circus, du cirque souvent drôle et inattendue. Ainsi, par exemple, des deux danseuses au tutu embanané évoquant directement Joséphine Baker.

Car les allusions à d'autres arts sont nombreuses dans cette mise en scène : la peinture avec le décor de jungle paradisiaque digne du Douanier Rousseau, les deux personnages du nain et de l'hercule noir, souvent ensemble sur scène, ce qui m'a fait penser au film de Tod Browning, Freaks. Micaela et sa petite valise, comme un écho des Parapluies de Cherbourg, la petite apparition dansée du Petit Chaperon rouge et de son loup, le spectre de la mort (un fort beau danseur, ma foi) tout droit sorti du Septième Sceau de Bergman et parfaitement à sa place dans cet engrenage tragique,etc.

Vous aurez compris que je n'ai pas boudé mon plaisir hier soir pendant plus de trois heures. D'autant que les voix étaient globalement à la hauteur, avec cependant une préférence pour celle de Don José (Arturo Chacon-Cruz) et celle de Micaëla (Sophie Marin-Degor). Mais grand bravo aussi à Kate Aldrich (Carmen), Jean-Sébastien Bou (Escamillo), à tous les autres et aux chœurs de l'Opéra de Lyon ainsi qu'à son orchestre sous la direction de Riccardo Minasi.

4 commentaires:

plumequivole a dit…

Bon, eh bien si j'avais été à Lyon ce soir-là je serais allée voir un bon film en attendant de vous retrouver en terrasse avec une petite mousse...Tu connais mon aversion irrémédiable pour Carmen (et Bizet en général) et Py ou pas Py...

Calyste a dit…

Plume : en tout cas, cette mise en scène, à mon avis, lui a donné un sacré coup de jeune.

Cornus a dit…

Eh bien moi, en plus du bon coup en terrasse, j'aurais volontiers accompagné Calyste, puisque nous sommes avec Fromfrom, assez amateurs.

Calyste a dit…

Cornus : mais on peut aller en terrasse aussi sans chanteurs !