mardi 8 juillet 2014

Enfer

Parfois, les maisons me font peur, surtout dans les petites villes, ou alors les immeubles des grandes cités. Toutes ces façades, souvent semblables, derrière lesquelles vivent des milliers de gens, obéissant à un ordre du jour immuable : métro, boulot, dodo, parfois amour pour les uns, lecture (ou télévision), courses et sieste pour les autres. Heures fixes des repas, informations, couchers des enfants, que sais-je...

Pour moi, l'enfer, c'est ça. Les Antiques, dans leurs lieux réservés aux châtiments éternels n'ont pas inventé celui-ci, réglé au métronome et d'une tristesse absolue. Nous pourrions leur donner des leçons.

L'enfer, ce n'est pas seulement les autres, c'est soi-même quand on ressemble trop aux autres, quand on est interchangeable. Même rituel du haut en bas, Les lampes qui s'éteignent, la lumière bleuté de l'écran de télévision, la chasse d'eau avant le silence nocturne. Un jour, l'un d'entre eux disparait, un autre le remplace.Je frémis. Nous ne sommes rien dans cet univers aseptisé.

Ces façades, elles me fascinent, comme la mort. J'essaie de n'en voir que les lignes géométriques dans l'objectif de mon appareil parce que la géométrie est minéralité, abstraction de toute vie ou plutôt de tout semblant de vie. Ou alors, parfois, j'observe dans le noir la fenêtre d'en face et les êtres qui s'agitent, tentant d'y déceler ce qui fait leur identité. Mais l'espèce humaine est foncièrement dépressive.

6 commentaires:

CHROUM-BADABAN a dit…

Alors là je suis sur la même longueur d'onde que celle que tu exposes : l'humaine dépression !
Je la vis en "live" en ce moment. A mon corps défendant.
Parce que d'habitude je n'ai guère d'habitudes ! Et je suis plutôt joyeux.
J'ai ressenti la même chose que toi en circulant sur une route la nuit et en regardant les immeubles avec toutes ces fenêtres jaunes de lumière ou bleues télé, et en imaginant tous ces gens faisant la même chose au même moment tous ces gens que je ne connaîtrais jamais.
Avec un grand sentiment d'absolue solitude et d'inadaptation...

karagar a dit…

Je ne te connaissais pas ce style, cette vigueur dans l'affirmation. Sur le fond, à chaque saison son enfer, l'enfer aseptisé et uniformisé est-il plus terrible que celui des violences ancienne? Au moins, à cet enfer que tu décris, on peut échapper par sa volonté...

Jérôme a dit…

N'y-a-t-il pas derrière chaque fenêtre (pareille à ses voisines) une histoire individuelle, différente de celle du voisin?

Qu'est-ce qui te fait peur? D'être, toi-même, éventuellement interchangeable?

Calyste a dit…

Chroum : c'est exactement ça. C'est pour ça que, parfois, je m'invente des histoires à leur sujet, comme pour des gens croisés dans le métro.

karagar : me ferais-tu un compliment ? Mais tu as raison, la volonté est nécessaire, si l'on en a suffisamment dans certains moments difficiles.

Jérôme : je crois qu'en fin de compte, nous le sommes tous. Heureusement que nous n'y croyons pas !

Cornus a dit…

J'étais assez sensible à ce que tu décris là. Je le suis beaucoup moins depuis que je ne vis plus seul et en tout cas pas à cette saison où les fenêtres s'allument peu (on se couche assez tôt).
Il est néanmoins vrai que je me demande pourquoi j'effectue toujours les mêmes rituels les jours de travail : que m'apportera de plus demain par rapport à aujourd'hui ?

Calyste a dit…

Cornus : demain t'apportera un jour de plus, ou de moins selon comment l'on compte ! En tout cas, c'est toujours un pas de plus vers la retraite.