lundi 10 mars 2014

L'odeur des mots

Jérôme, dans son dernier commentaire, me demandait de développer ce que j'entendais par "l'odeur presque imperceptible des mots". Tâche difficile s'il en est puisque cela fait appel à des sensations purement intimes et personnelles. Rimbaud a donné des couleurs aux voyelles et, lorsque je reprends son poème, je ne perçois pas les choses de la même façon que lui et probablement que beaucoup d'autres qui s'y exerceraient.

Pour un mot, c'est d'abord sa musique qui me frappe, bien sûr. Musique qui peut ne pas être la même selon que je le lis ou que je l'entends prononcé par quelqu'un, car, dans ce dernier cas, la tonalité de celui qui parle, son accent, la vitesse de son débit peuvent interférer dans ma perception.

L'odeur d'un mot est sans doute encore plus difficile à définir que sa musique ou sa couleur. Elle n'est pas, tout comme les deux précédentes, liée au sens de ce mot, mais davantage probablement à un vécu, une histoire, un inconscient personnels très fugace.

Quelques exemples seulement, pris dans la famille, pour ce qui me concerne : "papa" m'évoque l'odeur de la résine de pin, "maman" celui d'un terreau qu'on aère, "sœur" le miel, "frère" le citron, "oncle" le vinaigre, "tante" quelque chose comme l'iode.

Mais, comme pour la musicalité d'une phrase due à la combinaison des mots qu'elle utilise, l'odeur n'est jamais aussi nette que cela. L'association de plusieurs mots la rend plus suave ou au contraire plus acide, plus sèche ou au contraire plus onctueuse. La littérature est musique, elle est aussi parfum.

4 commentaires:

Jérôme a dit…

Du léger, du subtil, de l'inconscient, des sensations, quasi de le prescience... sur lesquels nous plaquons du vocabulaire pour donner un sens et tenter de le transmettre

Calyste a dit…

Jérôme : oui, c'est ça. Enfin, je pense quelque chose comme ça.

Jérôme a dit…

J'ai "trouvé" l'autre jour une jolie formule de l'écrivain Vita Sackville-West (qui te permettra par ailleurs de réviser ton anglais...):
"It is necessary to write, if the days are not to slip emptily by. How else, indeed, to clap the net over the butterfly of the moment? for the moment passes, it is forgotten; the mood is gone; life itself is gone. That is where the writer scores over his fellows: he catches the changes of his mind on the hop. Growth is exciting; growth is dynamic and alarming. Growth of the soul, growth of the mind."

Calyste a dit…

Jérôme : pas tout compris, mais l'essentiel, je pense.