dimanche 30 août 2009

Comment Dieu, qui lui n'a que sept doigts, créa l'homme à son image en lui en rajoutant trois.

Blanche-Neige et les sept nains, les sept Péchés Capitaux, les sept jours de la semaine, les sept degrés de la perfection, les sept Merveilles du monde, les sept couleurs de l'arc-en-ciel, les villes aux sept collines (Rome, Lisbonne, St-Étienne...), les sept portes de Thèbes, les sept Paroles du Christ en croix....

Dieu, au moment de la Création, n'avait que sept doigts alors? Probable: cinq à une main, deux à l'autre. Une main pour tenir fermement et au besoin faire bol ou gobelet, l'autre pour attraper les aliments en les pinçant. Ça fonctionne très bien, essayez ou regardez les chinois manger leur ration de riz avec leurs baguettes.

Bien sûr, comme on nous l'a appris, il a programmé l'homme à son image. Mais alors, d'où sortent les trois doigts supplémentaires? Et surtout, à quoi servent-ils? A mon avis, l'ordinateur ultra-puissant du Patriarche a eu un moment de faiblesse: au lieu d'exécuter cinq + deux, comme demandé, il a exécuté cinq x deux. Et l'homme s'est retrouvé avec dix doigts au lieu de sept.

Alors, avant d'éveiller Adam à la vie, avant d'insuffler une âme dans cette glaise encore humide, Dieu a réfléchi. Il fallait absolument trouver une utilité à ces trois doigts surnuméraires. Pour le plus petit de tous, il eut vite une idée de génie: il rajouta à l'homme encore malléable deux oreilles et deux trous de nez et inventa leurs sécrétions, plus le plaisir indicible que sa créature la plus accomplie éprouverait à se les nettoyer avec ce petit doigt-là. Et il l'appela auriculaire (naziculaire lui plaisait moins. De gustibus et coloribus non disputandum!)).

Le plus grand lui donna un peu de fil à retordre: il paraissait vraiment dadet, à dépasser ainsi les autres sans que cela serve à quoi que ce soit. Il le prit par l'orgueil: il en fit le chef de la main, pas le plus utile (celui-ci, c'est le pouce), mais le chef. Depuis il se croit tout permis et n'hésite pas, en cas de grande colère, alors que les autres restent repliés les uns sur les autres, à se dresser, tendu rageusement vers le ciel, en imprimant à la main , paume visible, un mouvement répétitif de bas en haut et de haut en bas qui ne plaît jamais à l'adversaire visé, en général conducteur de la voiture qui vient d'être doublée et qui se plaint de la queue de poisson. Et il l'appela majeur (râleur a failli lui être préféré).

Quant au dernier des trois, ni trop grand ni trop petit, (à peu près de la même taille, mais plus frêle, que celui qu'il avait déjà nommé index, parce qu'il voulait qu'il serve à montrer, mais sans savoir, le pauvre Vieux, à quoi les Églises, plus tard, allaient utiliser cette appellation), qu'en faire? C'est le sixième jour que Dieu créa Adam. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi il lui fallut pour un seul produit autant de temps que pour l'ensemble des animaux, ou bien la terre et le ciel, ou l'ombre et la lumière, le soleil et la lune (sans tenir compte des étoiles) par exemple?

En fait, l'homme fut vite façonné. Dieu avait beaucoup travaillé les cinq premiers jours (essayez d'en faire autant en une semaine au bureau, vous m'en direz des nouvelles!) et commençait à sentir une grande fatigue. Oui, les dieux ne se fatiguent pas souvent, mais lorsqu'ils sont fatigués, c'est une fatigue divine, quelque chose dont nous, les humains, ne pouvons même pas avoir la moindre idée. D'ailleurs, si l'on regarde bien, l'homme garde visibles quelques traces de la fatigue de Dieu. Mais cela nous entraînerait trop loin.

Adam fut terminé en, disons, deux heures. Les vingt-deux autres heures du sixième jour, Dieu les consacra à trouver quoi faire de ces trois doigts qu'il n'avait pas prévus au départ: une demi-heure pour l'auriculaire, une heure et demie pour le majeur et vingt heures pour le dernier. Il avait beau chercher, fouiller sa cervelle divine en fourrageant dans sa barbe ou bien faire glisser ses sept doigts sur sa calvitie naissante, rien ne venait.

Ce fut le Serpent qui lui souffla la solution: ce doigt, c'était évident, était fait pour porter un anneau!
- Un anneau, mais un anneau de quoi? demanda Dieu que la proposition du serpent laissait perplexe.
- Nous allons bien trouver! murmura le Serpent qui se remit à réfléchir plus sobrement, lui qui ne pouvait rien se gratter du tout.

Quelques heures passèrent sans que ni Dieu ni Diable n'avancent d'un poil dans la résolution du problème. Il fallait maintenant se hâter, le soir commençait à tomber, bientôt il ferait nuit et surtout Adam était en train de sécher. Si l'on attendait trop, il ne serait plus possible de le reprendre. Il faudrait tout recommencer à zéro et ça, Dieu n'en voulait sous aucun prétexte: pas question de travailler le dimanche! Déjà il voyait le coup où il lui faudrait sacrifier son samedi soir, alors basta!

Encore une fois le serpent vint à son aide:
- J'ai bien une idée, mais elle demande encore un petit effort...
- Dis toujours, au point où l'on en est.
- Voilà, Ssssssssseigneur: avez-vous remarqué qu'au sein de votre si belle Création, tout ce qui est vivant marche par deux? Ainsi la chèvre et le bouc, le jars et l'oie, la poule et l'œuf, le yin et le yang, le chapeau et le melon, Lagarde et Michard, Roux et Combaluzier,etc,etc.
- Tiens, oui, maintenant que tu me le dis!
- Alors, celui-ci, dit-il en désignant Adam qu'on avait, en attendant, mis un peu à l'ombre et recouvert de linges mouillés pour le maintenir au frais, celui-ci doit aussi avoir son alter ego!
- Qu'entends-tu par "alter ego", lui demanda Dieu qui ne connaissait pas le latin.
- Son équivalent, son pendant, sa moitié d'orange!

Dieu comprenait de moins en moins. La fatigue, sans doute.
- Bref, finit par cracher le Serpent excédé de la lenteur des réactions du Vieillard Céleste et commençant à craindre que sa moitié à lui ne finisse par croire qu'il traînait au bistro, à celui-ci, il faudrait une femme.
- Une femme? Mais ça ressemble à quoi? Je n'en ai jamais vu! s'inquiéta Dieu qui, comme chacun sait a toujours été un père célibataire.
- Moi non plus, concéda le Serpent, mais ça ne doit pas être bien sorcier à inventer. Il n'y a qu'à partir du prototype et changer deux trois choses par ci par là, histoire de dire que ce n'est pas tout à fait la même chose.
- Mais je n'ai plus d'argile. Ah! que je suis malheureux! se lamenta Yahvé qui, sans le savoir, aurait pu, à ce moment précis, inventer Calimero.

Le serpent, pendant que Dieu se mouchait bruyamment dans un grand mouchoir de nuages jetable, souleva furtivement le linge humide qui recouvrait Adam et profita de ce que ce dernier ne pouvait se plaindre (bon, d'un autre côté, il n'éprouvait pas non plus de douleur) pour lui arracher du flanc une bonne poignée d'argile encore suffisamment malléable.

- En voici un peu, Dieu tout Bon tout Puissant! dit-il en se retournant. Avec votre talent, cela devrait suffire.

Il semble que Dieu soit très sensible aux flatteries d'où qu'elles viennent car aussitôt il se remit à l'ouvrage et bientôt sortit de ses mains celle à qui il fallut bien aussi trouver un nom, parce qu'on imagina tout de suite que de se faire apostropher tous les soirs par son mec avec ce simple mot pourtant si jolie de "Femme!", ça ne lui plairait pas forcément beaucoup, surtout si le mec en question était avachi au salon devant la télé, en train de regarder un match de foot en décapsulant sa sixième cannette de bière. Mais n'anticipons pas.

On trouva "Ève". C'était assez joli, à l'oreille, et surtout, ça allait bien avec Adam: Adam et Ève, ça sonnait pour durer. Dieu allait enfin pouvoir se laver les mains et quitter sa salopette bleue quand, soudain, il se souvint de quelque chose:
- Mais dis-moi, Serpent, je viens de créer la femme, comme tu me l'as demandé, très poliment d'ailleurs, mais le doigt?
- Le doigt? demanda le Serpent qui, lui aussi n'était plus tout jeune et avait des moments d'absence.
- Ben oui, le dernier doigt, celui dont on ne sait pas que faire! Tu m'as dit que tu avais une idée.

Le serpent avait bluffé, comme souvent et croyait s'en tirer comme ça. Mais là, Dieu avait son air des mauvais jours (oui, je sais, on n'était qu'au sixième, mais c'est comme ça que l'on s'exprimait, même à l'époque: c'est un séraphin qui me l'a dit, et les séraphins, on peut les croire!). Il avait tout intérêt à trouver une réponse et vite! Alors il dit n'importe quoi, la première chose qui lui passait par la tête. Il aurait pu dire politique étrangère, théosophie, barytonèse des oxytons, Stone et Charden.... Non, il lança un mot, un seul dans le silence de la nuit qui tombait, alors que les grands fauves allaient boire au fleuve endormi et que les agneaux se tenaient un peu plus loin, histoire de parer à toute éventualité: on ne s'entredévorait pas encore mais ça pouvait venir! Un mot donc, tout simple, tout bête, qui aurait pu disparaître dans l'oreille affaiblie du Souffle Primitif. Mais non, Dieu entendit et opina. Il venait d'inventer le mariage. Et comme il fallait bien un doigt pour mettre l'alliance....

Et il l'appela annulaire (sans commentaire!)

12 commentaires:

KarregWenn a dit…

Ah je ne regrette plus du tout ma petite insomnie. Qu'est-ce que j'ai ri !

Autrement, dans la rubrique des sept, en breton on fait "ses sept possibles" quand on s'applique vraiment, Dieu aurait dû le savoir et ainsi il ne se serait pas cassé la tête à rajouter des doigts. Et quand on prend son pied, position dangereuse qui peut mener à le Chute (ça c'est Adam qui aurait dû le savoir) on est "dans ses sept plaisirs".(ce qui n'empêche pas les celtes de savoir compter jusqu'à 69).

Petrus a dit…

Très bien !!!

Olivier Autissier a dit…

Et les sept notes de musique.

Olivier Autissier a dit…

Sinon, entre le soleil et du dehors et ton texte, c'est assurément une belle journée qui commence ! :)

christophe a dit…

:-)
et Lilith alors ?

Calyste a dit…

J'aimerais bien, Kgwn, que tu m'énumères ces sept plaisirs bretons. J'ai bien idée pour quelques-uns , qui doivent peu différer de ceux de l'intérieur, mais 7! Diantre! Voilà qui mérite éclaircissement.
Quand à la limite de comptage des celtes, je ne ferai aucun commentaire: Lancelot va encore dire que nous courons à notre damnation!

Merci, Petrus.

Si j'ai contribué à ensoleiller ta journée, alors je n'ai pas perdu mon temps, Olivier. En fait, j'ai eu l'idée de ce billet en mettant un de mes derniers commentaires chez toi (sur les 7 collines de Lisbonne)

Christophe, en voilà des questions indiscrètes! Elle était en vacances avec Elohim!

FD a dit…

Et peut-être 7 heures pour demain matin...

Calyste a dit…

Pfff, c'est bas!

fd a dit…

j'adore !!!

Calyste a dit…

Quoi donc, FD? Le billet ou ma réaction?

Lancelot a dit…

C'est très amusant et bien écrit. Dans les sept célèbres, il y a aussi les sept mercenaires et le jeu des 7 familles, les 7 pléiades, les 7 principes de la didactique....

"Barytonèse des oxytons" : MERVEILLE. J'ai même pas envie d'aller regarder à quoi ça correspond, tellement l'expression me plaît !

Calyste a dit…

C'est beau, hein! J'ai appris ça en fac, en cours de grec. Il y a longtemps que j'ai oublié de quoi il s'agit mais les mots, pour leur consonance, me sont restés. Je suis heureux que tu vibres aux mêmes sonorités, mon Lancelot.