vendredi 17 juillet 2009

La Creuse (4), le geai, le rongeur, la pluie et moi

(Écrit le mardi 14 juillet)

Il pleut. Depuis ce matin. Cette nuit, un énorme orage a traversé la région, m'empêchant de bien dormir autant à cause du bruit que de l'intérêt que les orages provoquent toujours en moi. Ce matin, tôt, je me suis rendu compte que l'on avait oublié d'arrêter le tourniquet permettant d'arroser le petit jardin potager que Noëlle a créé au milieu du champ juste derrière le chalet. J'ai enfilé un caleçon et suis allé couper l'eau, pieds nus sous la pluie. Je n'ai pas osé rester totalement nu: le vieux paysan voisin se lève tôt en général. J'aime la pluie qui me tombe sur le corps. Je ne prends jamais de parapluie.


Ce matin, la colline en face n'était pas visible, totalement noyée dans la brume. Maintenant le gros de la pluie est passé même si un crachin plutôt froid persiste. On dirait que le monde s'égoutte. Les petites pommes pas encore mures de l'arbre au tronc moussu devant ma fenêtre ont toutes leur perle liquide accrochée en bas, prête à tomber pour que se forme la suivante. Pendant que j'écris, la pluie redouble. J'aime le bruit des ondées sur le toit de bois.

Après le repas, nous avons parlé longuement avec Noëlle et Gérard de Barbara, de Brassens mais aussi de Giani Esposito et d' Éva. Ils ne connaissaient pas Gribouille, cette petite femme de Grenoble qui, dans les années soixante-dix, a enregistré quelques disques avant de se suicider. Mathias reste ma chanson préférée. Mais est-ce le titre exact?

Pour écrire, j'ai dû éclairer dans le chalet. Pourrais-je vivre ici à l'année? Je ne crois pas. Depuis deux nuits déjà, je rêve d'enfermement ou plutôt je fais des rêves agréables qui se sont par deux fois terminés par des scènes d'enfermement qui me réveillent en sursaut. Je suis bien mais je sais qu'il est temps que je m'en aille.
Une merlette profite de la terre ameublie par la pluie pour y sautiller à la recherche de nourriture, pendant qu'un geai l'observe depuis le muret de pierres sèches (étrange dénomination aujourd'hui où tout ruisselle!). C'est fou, le nombre de geais que l'on voit dans la région. Hier, juste avant le repas, l'un d'entre eux criait très fort depuis un gros arbre face à la maison, un cri désagréable et inquiet qui m'a fait lever le nez de mon livre. Alors, j'ai à peine eu le temps de voir passer sur le chemin, dans le court espace visible pour moi, un petit animal de la grosseur d'un rat des villes qui fuyait vers la rivière et le bois. Le temps de me déplacer jusqu'au chemin, il avait disparu. Un rongeur? Sans doute le geai prévenait-il du danger potentiel provoqué par la présence du prédateur.

Je suis bien pour écrire dans ce chalet. Je laisse fermés les volets côté maison et chemin pour ne pas risquer d'être distrait. De l'autre côté, il n'y a que la nature: le pré d'abord, avec le carré potager, puis un tas de bois arrangé le long d'une clôture, un hangar agricole à toit de taules et, derrière quelques chétifs arbres fruitiers, le gros chêne (en fait, ils sont deux, ne formant d'ici qu'une seule masse) dans la frondaison duquel je vois parfois le soleil se lever quand l'envie d'uriner me fait un instant quitter mon lit. Au fond, une colline couverte de bois, comme toutes celles qui, plus loin, barrent l'horizon, et quelques grasses maisons que l'on aperçoit à peine tant elles s'intègrent au paysage.

Y aura-t-il un feu d'artifice à Bourganeuf ce soir? La pluie revient par à coups, pas violents mais réguliers. Les crapauds sont heureux qui, eux aussi, prospèrent ici, à me faire sursauter lorsque je rejoins dans le presque noir le chalet le soir, avec leur façon pataude mais bruyante de se camoufler dans les herbes. J'ai derrière moi les livres que j'ai lus pendant ce séjour: trois terminés, un bien entamé. Cure de sommeil, mais cure de lecture aussi. Cure de bien-être où je n'ai qu'à m'installer à table et manger. Je n'en ai plus l'habitude. Merci, Noëlle.

3 commentaires:

piergil a dit…

Une "liebelei" entre une merlette et un geai... on peut voir de tout au fin fond de la campagne! même un Calyste courant nu sous la pluie en chantant "Quand je pense au Fernand..." ;-)

Kab-Aod a dit…

Un sentiment de repos émane effectivement de tes billets. À se demander en quoi Lyon puisse si rapidement te manquer ! ;)

Calyste a dit…

Et dire que j'avais oublié de cliquer. Merci, Piergil, du plaisir que tu me fais. Et en VO en plus! Je ne la connaissais pas, celle-là! Merci.

Par le fait, Kab-Aod, de toujours désirer ce qui est ailleurs sans doute! Plus sûrement parce que je ne peux pas rester très longtemps sans rien faire.