(Écrit le jeudi 09 juillet)
La chalet, la table où, il y a une année, j'écrivais la première lettre à Pierre. Mesurer le chemin parcouru. Noëlle m'a dit: "Tu vas mieux que l'an dernier. L'an dernier, on voyait que tu voulais sortir la tête de l'eau, et tu y arrivais, parfois." Oui, les alternances d'euphorie et de marasme sont moins fréquentes et les reliefs plus aplanis.
Je n'ai rien écrit dans le train. Je n'en ai pas eu le temps, ni l'envie. Dès le départ, j'ai engagé la conversation avec ma voisine, une algérienne de 39 ans qui venait de terminer une formation d'un an à Lyon et partait à Bordeaux voir une partie de sa famille avant de regagner Alger. Étrange communion entre nous deux, d'abord réservée et polie, puis de plus en plus naturelle et intense. Nous avons fini par nous tutoyer, en échangeant sur des sujets qui nous tenaient à cœur à tous les deux: la course (ou le vélo), l'écriture et la religion, la foi plutôt. Plus de quatre heures de conversation ininterrompue, qui n'est jamais tombée dans la platitude. Elle m'a aussi évoqué son père mort, dont elle n'a pas encore fait le deuil, la difficulté de la communication en direct en France ( et pourtant, nous en étions un contre-exemple parfait). Lorsque le train a approché de Guéret, nous avons échangé nos adresses mail et nous nous sommes embrassés, comme deux vieux camarades. J'ai presque vingt ans de plus qu'elle. Je ne m'en suis pas rendu compte un seul instant.
Les gares se suivaient, je retrouvais leur nom sur les quais, précédemment annoncé par le haut-parleur: Roanne, Ganat, Commentry, Montluçon, Guéret. A Ganat, il m'a semblé que le train repartait à l'envers. Je l'avais oublié. Plus loin, je crois, j'ai montré à Assia l'à-pic qui s'ouvrait à nos côtés, alors que nous traversions sur un pont une gorge boisée et très profonde. Elle a eu peur et s'est retournée vers moi. Elle portait jusque là des lunettes de soleil. J'ai été surpris de voir ses yeux d'aussi près, et m'en suis senti gêné, un peu comme si je la voyais nue. Il n'y a pas eu de changement de voyageurs, dans notre wagon. Personne n'est descendu, personne n'est monté, à l'exception d'un jeune homme enfermé dans la musique que lui distillaient les écouteurs qu'il a gardés vissés aux oreilles pendant tout le trajet. J'ai expliqué à ma voisine ce qu'était la Creuse, à quoi ressemblaient les paysages, les églises, les maisons. Elle, elle est berbère mais nous n'avons pas eu le temps d'aller voyager par là-bas: lorsque je suis descendu du train, l'échange n'était pas fini.
Ce matin, je me suis réveillé tard, à 10h30. A Lyon, je m'estime heureux lorsque j'ai des nuits de six heures. Ici, le sommeil est doublé. Chaque année, je récupère ainsi. Je viens ici pour ça. Je sais que j'y retrouve du vrai repos. Il fait frais, il n'y a pas de bruit, je peux me le permettre. Après la sieste de cet après-midi (oui, aussi), j'ai surpris Noëlle en lui demandant de bouger. Le ciel était menaçant, très nuageux, mais il ne pleuvait pas.
- Allons voir le village sculpté!
- Si tu veux!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire