jeudi 6 novembre 2008

Momentini

Mosaïque d'une journée de reprise.

J'ai retrouvé le collège ce matin, en ratant de peu un splendide effet de soleil levant aperçu derrière moi avenue Berthelot: une avenue sombre aux reflets cuivrés. Magnifique! Le temps d'arriver, le cuivre avait fondu et la photo ne valait plus la peine.

Retrouvé mes collègues avec plaisir, oui, presque tous. Calmes, reposés, détendus: ça nous change des derniers jours avant les vacances. Le deuxième mâle de l'équipe de français est de plus en plus sexy et sympathique avec moi. C'est un plaisir d'avoir instauré aussi vite une belle complicité.

Les élèves aussi avaient majoritairement l'air content de me revoir. Je les entendais parler de leurs vacances. L'un d'entre eux n'est pas encore rentré d'Égypte, le petit veinard. Eux aussi étaient plus calmes et attentifs, ce qui fait que ma grosse journée du jeudi s'est passée sans trop de fatigue.

Ma mère adorable. Cela m'émeut toujours lorsque je rentre dans sa chambre et que je la vois dans son lit, derrière la barrière levée pour qu'elle ne tombe pas. Petite femme de plus en plus fluette, de plus en plus décharnée, presque déjà absente. Je sais que bientôt, elle ne sera plus là, je sais que, malgré toute la fatigue accumulée à s'occuper d'elle, elle nous manquera terriblement. J'écris ces derniers mots et je les trouve stupides tellement ils ne disent pas ce que je ressens. Ce soir, elle a voulu sans cesse me tenir la main, ou plutôt que je lui tienne la sienne. Je l'ai laissé faire. Aujourd'hui, je pouvais. Cette demande de tendresse, je la comprends. Elle passe la journée à attendre l'un de nous, elle passe la journée à s'ennuyer, d'autant plus maintenant qu'elle est clouée au lit. Alors je peux imaginer que cela l'agace quand elle me voit m'endormir, fatigue et chaleur excessive mêlées.

Tout à l'heure, L'Humeur vagabonde de France-Inter était consacrée à la mise en "théâtre" d'un texte littéraire ô combien, le petit livre de Paul Nizan préfacé par Jean-Paul Sartre: Aden Arabie. J'ai lu ce texte lorsque j'avais vingt ans (et comme le dit Nizan lui-même, "Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie."). Je vivais seul, dans ma chambre de cité universitaire. Je venais de perdre ma petite sœur, et je croyais, comme tous ces écrivains au même âge, avoir un grand destin devant moi. J'allais, comme Rubempré Paris, conquérir l'univers littéraire et m'assurer très vite une gloire posthume inébranlable. Comme c'est drôle avec le recul! J'aimerais beaucoup rencontrer le jeune homme que j'étais alors et lui dire combien je l'aime pour ses rêves, pour sa naïveté, pour ses curiosités insatiables, qu'elles soient érotiques ou culturelles. Je lui envie aujourd'hui cette soif de découvrir, que portaient admirablement les années soixante-dix.

Livrés en vrac, des petits bouts de journée, qui peuvent sembler nostalgiques et qui ne le sont pas. Je sais maintenant qu'il faut avancer et je marche.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Et le jeune homme naïf et idéaliste, t'aimerait-il pour ce que tu es devenu...? C'est une question que je me pose souvent à propos de moi-même.

Anonyme a dit…

Témoignage émouvant si bien raconté qu'il nous remémore un peu, beaucoup, à chacun, un fragment de notre propre jeunesse.

Anonyme a dit…

et puis aussi:" ...C’est le fait d’un esprit assuré et tranquille que de flâner parmi toutes les périodes de son existence." Sénèque.

Calyste a dit…

Si tu as la réponse, Lancelot....

Merci, Totem, doublement: pour le compliment et pour la citation de Sénèque, que je ne connaissais pas. Puisse-t-il dire vrai!