mardi 11 novembre 2008

A l'ombre du cèdre.

Ma deuxième humeur du jour concerne le Liban. Il y a quelques jours, en rentrant de la Tête d'Or en vélo, j'ai eu le temps d'apercevoir, sans celui d'approfondir, devant une église du 6° arrondissement une banderole invitant à une action humanitaire pour le Liban.

Je suis allé dans ce pays peu de temps après la fin de la guerre. Le sud était même encore occupé par les Israëliens et Tyr fut notre dernière escale méridionale à peu près sécurisée. J'étais logé à Jamour, une banlieue résidentielle dominant la ville de Beyrouth. A l'école des Jésuites, uniquement des enfants de grandes familles maronites, fils d'ambassadeurs ou de ministres, d'industriels ou de gros commerçants. Nous avons été divinement reçus et traités avec beaucoup de gentillesse et de dévouement.

Pourtant quelque chose me gênait. Je ne voyais pas le vrai Liban. J'ai dû demander plusieurs fois que l'on nous fasse visiter la ville de Beyrouth qui s'étendait à nos pieds jusqu'à la Méditerranée. Il a fallu vraiment insister pour que l'on nous descende enfin, avec le bus de l'école, jusqu'à la Place des Canons qui, à l'époque, n'était que ruines ainsi qu'une grande partie de la ville. J'ai vu partout les traces de la guerre avant qu'elles ne soient vite effacées par la reconstruction sauvage au profit de quelques grandes fortunes américaines ou locales, les immeubles éventrés, menaçant de s'effondrer à chaque instant et où pourtant, entre les dalles de béton et les quelques piliers encore debout, vivait une population nombreuse et misérable.

J'ai vu cette extrême misère et côtoyé cette extrême opulence, dont on peut difficilement se faire une idée en France, où les grandes fortunes se fondent davantage dans la masse, du moins en apparence. J'ai été choqué du contraste trop violent. J'ai entendu une femme, charmante au demeurant, ma compagne de voyage lors du trajet jusqu'à Baalbeck, se plaindre de ne pas savoir comment meubler son appartement de cinq cents mètres carrés qu'elle venait d'investir en quittant le précédent de seulement trois cents mètres carrés. Je ne pouvais hurler, je l'aurais fait volontiers.

Et cette inflation dans l'opulence m'a été confirmée par l'attitude des enfants libanais que nous avions reçus ici, à Lyon, et qui, logés dans des familles de Sainte-Foy, se plaignaient de la modicité du décor et des aménagements mis à leur disposition.(Pour les non Lyonnais, Ste-Foy est une des petites villes les plus bourgeoises de la couronne lyonnaise.)

Alors aider le Liban, non. Le Liban a les moyens de s'aider tout seul. Bien sûr, il faudrait que les mentalités évoluent, que la démarcation entre les différentes confessions religieuses s'atténue, que ce pays se voit réellement comme un pays, ne dépendant en rien d'un quelconque grand frère européen, France et Grande-Bretagne en particulier, ou américain, que les fortunes amassées depuis des siècles par les Levantins soient réinvesties sur place, non pour accroître encore les profits de quelques privilégiés, mais pour contribuer à assurer à tous une vie décente.

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