samedi 1 novembre 2008

Les femmes de ma vie (2): la colle.

Un souvenir pénible que la rencontre de cette femme-là.

Tout avait pourtant bien commencé. J'étais monté à Paris, il y a une vingtaine d'années, je pense, pour y voir une exposition de peintures qui m'intéressait, une rétrospective de je ne sais plus quel peintre, et retrouver d'anciens amis lyonnais. Arrivé devant le musée, portes closes: le syndicat des gardiens avait lancé un ordre de grève. Je me retrouve devant la grille avec deux ou trois personnes tout aussi dépitées que moi. Une jeune femme en colère m'adresse la parole: "En plus, moi je viens de province!". Je la reprends gentiment en lui précisant que, pour ma part, je viens de Lyon.

Bien sûr, la conversation s'engage: elle vient de Touraine, est professeur d'allemand et s'intéresse un peu à tout. Je me présente à mon tour, car elle a l'air sympathique. Lorsque je fais mine de m'éloigner, elle me demande ce que je compte faire: visiter la maison de Victor Hugo, place des Vosges. "Puis-je vous accompagner? Je ne connais pas et cela me ferait plaisir." Pourquoi pas: j'aime parler, échanger des impressions devant des œuvres d'art. Pourquoi pas avec elle?

Mais en sortant de chez Victor Hugo, nous mangeons ensemble un sandwich le long du canal d'Hôtel du Nord, puis allons ensemble à Beaubourg voir une exposition Tinguely.
Sa compagnie ne me pèse pas trop encore, mais je trouve un peu lourde sa façon de s'imposer. Dans l'après-midi, je lui dis vouloir rentrer chez les amis qui m'hébergent et n'habitent pas tout près. Où? A la Bastille. Justement, elle doit passer par là pour je ne sais quelle course. Nous voilà partis, à pied car j'espère bien la fatiguer rapidement. Que nenni: elle tient le coup, la charogne.

Je suis excédé par cette présence ininterrompue. Elle m'a déjà expliqué toute sa vie, en particulier qu'elle a été mariée, qu'elle est maintenant divorcée et qu'elle vit avec ses deux filles. Je commence à flairer l'affaire: encore une qui croit avoir trouvé le benêt pour se recaser et lui faire élever sa progéniture! A la Bastille, elle trottine toujours à côté de moi. Je ne veux surtout pas qu'elle monte chez mes amis. Quand elle me demande où exactement je loge, je fais un vague geste en direction du Boulevard Richard Lenoir, puis lui dis avoir changé d'avis et vouloir maintenant me rendre au cinéma. Quand je lui tends la main, elle me susurre qu'elle aussi, finalement, reporte sa course et vient avec moi.

Je ne comprends pas aujourd'hui comment j'ai fait pour être à l'époque aussi patient. Sans doute trop bien élevé et trop poli! Nous voilà assis dans le noir. On projetait La Vouivre, avec Lambert Wilson. Mais je n'en suis même pas certain, tant, à ce moment-là, le cauchemar atteignit son paroxysme. Elle prend l'idée de frotter son genou contre le mien. Je me pousse un peu, elle s'étale encore davantage. Là, ma décision est prise. Politesse ou pas, je l'envoie paître dès la fin du film. (Étant déjà à l'époque un peu radin, je ne veux pas sortir avant la fin.) Je ne supporte pas en effet d'être physiquement touché par quelqu'un qui ne me plaît pas. C'est encore vrai aujourd'hui.

J'arrive enfin, le filme terminé, à m'en débarrasser. La rançon à payer est mon adresse à Lyon, mais je compte bien ne jamais avoir de ses nouvelles. J'en eus le lendemain matin! Alors que je prenais mon petit déjeuner chez mes amis, on sonna à la porte. Celui qui alla ouvrir vint me prévenir que l'on me demandait. Moi? Mais personne ne savait que j'étais dans cet appartement! Si, elle! Suite à mon geste vague de la veille, elle avait entrepris dès tôt le matin, de faire toutes les entrées du début du boulevard Lenoir et de demander aux concierges pour tenter de me retrouver.

Là, la coupe était pleine. Je lui fis comprendre sans ménagement, poliment mais fermement, que je n'appréciais guère sa façon de faire, qu'il n'était pas question que je passe une nouvelle journée avec elle et que, n'étant pas chez moi, je ne pouvais permettre ce genre d'intrusion. Elle dut repartir sans pénétrer dans l'appartement. Mes amis, à qui je racontai mon aventure, en rirent beaucoup.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Quelques temps plus tard, je reçus à Lyon une carte postale d'Allemagne où elle effectuait un séjour avec un groupe d'élèves. Je ne répondis pas. Deuxième carte postale, de je ne sais plus où, deuxième silence de ma part. Première lettre, s'étonnant de mon silence, celui-ci ne fit que croître. Enfin l'ultime courrier qui m'abreuvait d'injures, m'accusant d'avoir tout fait pour la séduire et de maintenant la laisser tomber lamentablement. Je ne répondis pas davantage. Inutile de dire que Pierre, pendant ce temps, buvait du petit lait et riait sous cape. Voilà ce qui arrive quand on veut toujours être gentil avec tout le monde. Rassurez-vous: ce genre de femmes, maintenant, je les vois venir, et d'ailleurs elles ne viennent plus guère!

15 commentaires:

Fabrice a dit…

Heu, tu lui avais donné ta vraie adresse ? Un peu inconscient, non ?

A ta place, au cinéma, j'aurais prétexté un besoin naturel pendant la séance pour m'éclipser en courant...

Anonyme a dit…

C'est vraiment flippant ton histoire ! J'espère que je ne deviendrai jamais comme ça !!!

S. a dit…

Ah ces femmes... Mais quelle patience tu as eu!!! je n'en reviens pas qu'elle ait réussi à te trouver chez tes amis !
Bises, S.

Anonyme a dit…

Mdr quelle histoire ! Je suis rassuré de savoir que ce genre de choses n'arrivent pas qu'à moi ! On sent encore un peu de colère ou plutôt d'agacement à te lire : t'arrive-t-il d'en rire cependant ?
Les professeurs d'allemand, décidément...

Anonyme a dit…

Fabrice a raison !
Mais, tu as du charme alors ? On ne me l'avait pas dit...

MY a dit…

J'ai l'impression de relire une page de Duras dans "Un barrage contre le Pacifique" avec cette histoire du cinema. Sauf que vous n'êtes ni Joseph et que cette femme vous cassait les pieds ! :)

Calyste a dit…

Je t'ai dit que j'étais radin, Fabrice!
Je te le souhaite, Shakti.
Toi, tu as eu les explications de vive voix, S. Bonne nuit (mais tu dors déjà!).
Nicolas, il faudra vraiment qu'un jour nous comparions notre vécu!
Tu n'as venir voir, Petrus. Ceci dit, il va falloir que Fabrice s'explique!
Y., je n'ai pas lu ce roman de Duras, mais pour ce qui est de me casser les pieds!!!

Anonyme a dit…

C'est plus je pense au niveau de la personnalité qu'au niveau du vécu que certaines anecdotes peuvent naître enfin il me semble
en tout cas, ce serait avec plaisir !

Anonyme a dit…

Tu me plais de plus en plus Nico...Si tu ressembles à Calyste, évidemment ...!

Calyste a dit…

Petrus, tu n'es qu'un vile courtisan!

Nicolas, nous continuerons cette conversation ailleurs.

Anonyme a dit…

Hé ben, celle-là, elle ne manquait pas d'air !!! Faire toutes les portes pour te retrouver, quelle manque de savoir-vivre !!
Je ne sais pas quel âge tu avais à l'époque, mais moi, je n'ai pas pris autant de gants avec les quelques pots de colle qui m'ont croisée ...
D'ailleurs, si ç a t'amuse ou que tu as quelques minutes à perdre, je raconte une de ces soirées là :
http://2yeux2oreilles.hautetfort.com/archive/2007/04/15/les-lourdos.html
Je te rassure, je suis surtout une fille sociable (je précise, divorcée, sans enfants et aucune envie de remettre ça lol), demande à Lancelot !

Anonyme a dit…

"Vil courtisan" ou "vile courtisane", mais les deux, enfin, Monsieur le Professeur de français !

Calyste a dit…

Petrus, je tiens compte de la part de féminité qui est en chacun de nous (et surtout de ma mauvaise foi de prof!!!).

Bonjour Fiso, et bienvenue. J'ai déjà l'impression de te connaître, par Lancelot interposé.Tout à fait rassuré par ta dernière phrase.:-))

Anonyme a dit…

Quel(le) faux cul !

Calyste a dit…

J'avoue!