dimanche 6 mars 2011

Jonquilles

Peu après Lyon, la Dombe. Il fait froid. Les terres ont encore une fine pellicule de givre. Les étangs s'irisent sous le soleil. Des plaques d'argent au milieu des bosquets. Certains sont vides mais la vase, encore gorgée d'eau, scintille légèrement. Les routes rectilignes ont cédé la place à de plus tortueuses, bordées de fossés profonds.

Jean-Claude parle. C'est rare. Il me dit sa famille, son enfance à la campagne, dans ce coin-ci. Je ne veux surtout pas l'interrompre trop. Il cède si facilement la parole. Je verrai plus tard la ferme de son enfance, vieille masure à peine restaurée par les nouveaux propriétaires. Qu'a-t-il ressenti en passant là, entre la vieille habitation et l'étable? Ou plus loin, près d'une autre maison, où habitaient son oncle et sa tante?

Le bosquet aux jonquilles n'est pas bien grand. Le sol est recouvert des pousses de ces fleurs dont certaines commencent déjà à éclore. En marchant, le pas doit se soucier de ne pas les écraser. La lisière est un amoncellement de cailloux, rejetés des champs depuis des lustres par les paysans qui tentent d'en extraire le meilleur. Quelquefois, Jean-Claude me montre de petites pousses d'un violet pâle qu'il appelle des "cils". Il n'en connaît pas le vrai nom. Il en cueillera aussi un minuscule bouquet, pour chez lui.

Nos doigts sont gelés et mettront du temps à se réchauffer. Ils sentent bon la terre. Dans le bois, nous nous taisons. Il n'y a pas besoin de parler pour se sentir bien. Une allée d'arbres trentenaires conduit à un groupe de fermes basses. Enfant, Jean-Claude était déjà là, à venir faire des bouquets au début du printemps. Là où il n'y en avait pas autrefois, le sol en est maintenant tapissé. Beau vert de la jeunesse des plantes.

Nous décidons de rentrer par la route. L'autoroute, c'est pour les gens pressés.

PS du 8 mars: grâce à Cornus et Karagar, je connais le vrai nom des petites fleurs violettes. Ce sont des scilles. Merci à tous les deux.

4 commentaires:

Cornus a dit…

La cueillette des jonquilles, je connais ça depuis ma plus tendre enfance, chez mes parents en pays éduen. Il y en a des centaines de milliers sur quelques hectares. Ce qui attire des convoitises inouïes, et certaines années, un pillage en règle (commerce qui en est fait à assez grande échelle). Ceci dit je trouve très bien que les gens du coin ou d'un peu plus loin profitent d'un bouquet.
Là-bas, elles ne fleurissent pas avant avril.

Je ne sais pas bien ce que tu as ressenti auprès de Jean-Claude sur les lieux de son enfance, même si je ressens de drôles de choses de mon côté quand je retourne à la ferme des mes grands-parents.
Les "cils" violets de Jean-Claude, ce ne seraient pas des Pulmonaires par hasard ? Je ne vois pas ce que cela pourrait être d'autre en cette saison.

karagar a dit…

Des pulmonaires? Pourquoi pas des scilles?

Calyste a dit…

Cornus et Karagar: oui, c'est ça, des scilles. Je viens de vérifier sur Google. Merci à vous deux.

Cornus a dit…

Ah oui, j'y avais un peu pensé par analogie du nom : probablement de la Scille à deux feuilles (Scilla bifolia). Je n'ai pas dit ça car ce n'est pas forcément commun et surtout je les vois bleues et non violettes (mais bon, si on ne me le dit pas) !