mardi 3 novembre 2009

Rituel

J'ai rentré les plantes aujourd'hui. Mes balcons sont vides, à l'exception des peu frileuses qui passeront l'hiver dehors. Un chrysanthème de l'an dernier est en train de fleurir, petits boutons jaunes qui justifient à eux seuls le nom de celle qui les porte. L'escalier et le palier devant ma porte sont un peu plus encombrés mais j'ai la chance d'avoir, jusqu'à présent, des voisins qui apprécient la verdure.

Je me suis résolu à tailler certaines d'entre elles, comme les hibiscus, le laurier rose ou le bougainvillée afin qu'ils tiennent un peu moins de place sur le passage. Autrefois, il n'y avait que des vieux à habiter l'immeuble et tous empruntaient toujours l'ascenseur. Aujourd'hui, proximité de la fac aidant, je croise parfois de nouveaux visages, bien frais et rosés du matin ou le visage comme encore marqué par les traces d'un oreiller sur une peau trop fine. Ces apparitions fugaces mais maintenant fréquentes valent bien le sacrifice de quelques rameaux trop peu disciplinés!

Pour moi, cette "entrée en hiver" est un rituel auquel je tiens. Il implique le renoncement pour de longs mois à un certain nombre de pratiques estivales: dormir la fenêtre ouverte, photographier le bouton prêt à s'ouvrir ou la fleur pleinement épanouie, aller passer l'après-midi sur la plage du lac en compagnie de Stéphane ou simplement d'un livre, écouter le bruit des voisins, tous ces minuscules petits sons qui exsudent la vie et font d'une cour intérieure un grand village de campagne en été.

Adieu donc tous ces plaisirs et bonjour à ceux qui viennent alors, plus feutrés, plus intériorisés, la voracité du gourmand faisant place au savoir-jouir ancestral du gourmet: se blottir sous la couette et ne laisser dépasser qu'un bras pour tenir le livre et tourner les pages, entendre au loin le coucou du voisin qui égrène les heures nocturnes sans réveiller quiconque mais présent aux insomniaques, essayer, en fermant ses volets, de chaparder un moment de la vie des autres, autour de la table de la cuisine ou dans la lumière tamisée d'un salon, se coucher plus tôt juste pour se dire que l'on est dans son lit, que l'on va s'endormir et que c'est bon, la nuit, retrouver au réveil la vieille robe de chambre usée déposée près du lit et qui réchauffe si vite le corps un peu frileux du lever.

Voilà tout ce qu'implique pour moi la fin de mes forêts extérieures qui, après avoir prospéré comme elles l'ont voulu pendant les mois chauds, sans jamais la blessure d'un coup de sécateur ou le carcan d'un tuteur trop rigide, doivent se préparer aux heures sombres et froides et s'aligner, tranquilles, le long des murs du palier pour s'endormir jusqu'au beau jour où apparaîtra, sans que l'on s'y attende, parce qu'on a oublié entre temps, la minuscule tache d'un vert trop tendre de la première feuille nouvelle.

2 commentaires:

Lancelot a dit…

Hum, très sensible à ton avant-dernier paragraphe....

Pour le vert, il reste celui des sapins. La joie factice de Noël m'ennuie de plus en plus au fil des ans, mais leur odeur reste irremplaçable...

Calyste a dit…

Outre le fait que je n'ai pas de sapin sur mon balcon, je suis comme toi: je n'aime guère la période de Noël pour ce qu'elle est devenue: mercantile, et, de manière générale, tout ce qui m'évoque une joie factice et "pré-enregistrée" comme les rires à la télévision. En revanche, Noël est redevenu pour moi une période importante spirituellement parlant et je suis heureux de ce retour à quelque chose dont je m'étais éloigné longtemps.