lundi 2 novembre 2009

Femmes de prix

J'ai entendu tout à l'heure que le prix Goncourt avait, cette année, été attribué à Marie Ndiaye pour son roman Trois Femmes puissantes, publié chez Gallimard.

Je ne connais pas cet auteur (on me pardonnera de rester, pour la langue française, d'un classicisme exacerbé! Je n'ai rien contre la création de nouveaux mots mais, alors, que cette création respecte la langue: disons "auteuse" à ce moment-là, si cela peut en satisfaire quelques-unes, et non pas cette abomination de "auteure"! Pensons aux problèmes d'orthographe à venir de nos enfants, de vos enfants!). Je l'ai entendu dernièrement à la radio présenter justement ce livre, à L'Humeur vagabonde peut-être. J'avais écouté, intéressé par le thème, et je ne suis guère surpris qu'elle obtienne le prix aujourd'hui.

Mais s'il y a quelque chose qui m'exaspère, c'est le commentaire, aux accents triomphalistes de la journaliste, qui a suivi: "C'est la première fois que le lauréat est une femme depuis 1998." Et alors? A-ton entendu, en 1998, un (ou une) journaliste dire, lorsque ce même prix fut raflé par Paule Constant que c'était la deuxième fois en trois ans (Pascale Roze l'avait obtenu en 1996)? Pourquoi n'a-t-elle pas rajouté, pour surenchérir dans l'imbécillité, que c'était pour la première fois (il me semble) une femme d'origine africaine, ou mieux: une femme de couleur?

Je suis très sensible à ce genre de paroles qui, pour moi, sont une manifestation de racisme inversé. Qu'est-ce que cela change à la qualité du roman que son auteur soit un homme ou une femme? Un livre est bon ou il ne l'est pas, quel que soit le sexe de son auteur, il me semble! Que ce sexe ait un impact sur l'écriture ou la façon de raconter, sans doute, mais pas plus important que le vécu de l'écrivain, ses obsessions, ses peurs, son imaginaire personnel. Je sens lorsqu'une écriture est féminine ou masculine, mais cela n'a très souvent rien à voir avec le sexe de celui ou de celle qui écrit: un homme peut avoir une écriture que je trouverai féminine, une femme peut avoir une écriture masculine. Je ne saurais d'ailleurs préciser davantage ce que j'entends par "masculine" ou "féminine": je le ressens à la lecture, c'est tout. Et je n'établis pas de hiérarchie de l'un à l'autre.

Au-delà de ces simples mots, c'est un rapport au monde, à la relation interpersonnelle qui est en cause. A quoi cela sert-il de faire sans cesse la différence entre un homme et une femme, où veut-on aller en les opposant constamment? Je ne nie pas que certains combats féminins aient été utiles et le soient encore aujourd'hui. Mais il ne faut pas se tromper de cible: l'ennemi de la femme, ce n'est pas l'homme. Il faut chercher à transformer une société inégalitaire, pas à abattre l'autre partie de l'humanité.

Personnellement (et je crois l'avoir déjà écrit ici), lorsque je rencontre un être nouveau, peu m'importe (sauf si projet sexuel) que ce soit un homme ou une femme, un gros ou un maigre, un vieux ou un jeune, un noir ou un blanc. Je rencontrerais même un bleu à pois verts, je ne sais pas si je m'en rendrais compte immédiatement tant c'est autre chose qui m'intéresse dans la relation.

Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Karregwenn avait, il y a quelque temps, écrit un billet un peu dans le même sens lors d'une rencontre avec des femmes écrivains bretonnes, il me semble. Sur cet écran même, nous nouons des liens, par blogs interposés, sans avoir la plupart du temps la moindre idée de l'apparence physique de l'autre: c'est ce qui est écrit qui nous retient ou pas et nous fait revenir à cette adresse. Et les pseudonymes aident à effacer la différence des sexes: comment savoir d'entrée de jeu si KarregWenn est un pseudo de femme et Karagar un pseudo d'homme? Que veulent dire ces mots de nous inconnus? Est-ce pour eux que nous lisons ou parce que, quelque part, ce qui est écrit nous touche?

Tiens,par exemple, qui vous dit que Calyste n'est pas une femme peau rouge? Qui? Son blog ne s'intitule-t-il pas Potomac, nom indien d'un fleuve d'Amérique du nord? Bien sûr, Lancelot l'a vu en chair et en os mais qu'est-ce que cela prouve? Il peut mentir, ou être lui-même une femme! Franchement, on n'en a rien à faire. Moi, ce qui m'intéresse, c'est l'autre, mot qui convient aussi bien au masculin qu'au féminin.

5 commentaires:

KarregWenn a dit…

Ah que je suis ravie de lire tout ça, tu t'en doutes !
Le témoignage de Lancelot ? Mais je ne crois pas un mot de ce qu'il raconte !
Ça me fait penser à une blogueuse qui s'appelait Lucien, et j'ai mis plusieurs mois à réaliser que c'était une femme ! Ça n'a pas changé grand-chose. J'aimais bien ses posts, et puis voilà.

Lancelot a dit…

Entre l'une qui ne "croit pas un mot de ce que je raconte" et l'autre qui laisse planer des doutes sur ma triomphante virilité ("Il peut mentir, ou être lui-même une femme"), c'est charmant. Par moments, quand les copains vous lâchent, on se sent vraiment peu de chose...

On m'accuse donc, à mots couverts, d'être un menteur, ou d'être une femme. Pourquoi pas une femme menteuse, tant qu'on y est...

Eh bien, Mesdames Messieurs, après toutes ces calomnies, médisances et autres ragots d'un goût douteux, il est temps que la vérité vraie jaillisse, éclate au grand jour. Lancelot, c'est le nom de plume de Rocco Siffredi.

Pourquoi Calyste (et les autres blogueurs qui m'ont déjà rencontré) n'en ont-ils soufflé mot...? C'était pour eux le prix à payer pour avoir une chance de me revoir, et de connaître à nouveau l'extase sexuelle (en toute modestie).

Olivier Autissier a dit…

Je ne crois pas que le débat soit basé sur la qualité de l'écriture masculine ou féminine, heureusement. Mais sans doute davantage sur la manière dont on décerne le prix, peut-être moins facilement à une femme.
Peut-être.

JaHoVil a dit…

Voici un billet qui comporte 738 mots faits de 3535 caractères ! et cinq parenthèses dont on aurait pu faire une économie pour le prix.

Mais, nonobstant la toute légitime exaspération de Calyste sur ce sexisme inversé, je m'insurge tout particulièrement contre cette ultime estocade : Franchement, on n'en a rien à faire.

Bien sûr que si, on en a à faire ! Nous sommes les tous premiers à "faire" lorsqu'il s'agit de mâles. Certes, on peut toujours voir les choses d'un point de vue intellectuel, et en fermant les deux yeux. Même l'écriture révèle le genre de l'auteur.

J'aurais dû écouter la petite voix qui me disait que le Lancelot en chair et en os ne demandait qu'à dévoiler son vrai moi. J'ai raté cette révélation par simple naïveté. Rien ne vaut une démonstration par les faits. Merci Rocco !

Bises à tous et toutes, J.

Calyste a dit…

Lucien? Ah! les Illusions perdues!

Ainsi donc, Lancelot, pardon Rocco, tu fais dans la plume? Il faudra qu'un jour je fasse un petit billet sur tous les sens que peut prendre ce mot dans la bouche, pardon dans le langage, de tout un chacun!

Ben dis donc, quelle patience, J. pour compter tout cela! As-tu remarqué que dans le commentaire de Lancelot, il y avait déjà trois
parenthèses? Ta petite voix intérieure doit avoir deux petites cornes et une queue pointue, non?

Peut-être, Olivier, et c'est justement cela qu'il faut changer, à mon avis, mais sans le placer sur le plan de la compétition.