mardi 14 janvier 2025

Quand le flux de la nuit ...

Quand le flux de la nuit me coule sur les lèvres

Me couvrant le menton avec un sang tout noir,

Lentement soulevé par le boeuf du sommeil,

Je sens tourner en moi l’axe de mon regard.

J’entre dans le champ clos de ma chair attentive

Au pays qui respire et qui bat sous ma peau.

Mes os sont les rochers de ces plaines rétives

Où pousse une herbe rare appelée arlisane,

Et comme un voyageur qui arrive de loin

Je découvre en intrus mon paysage lointain.

Jules Supervielle