samedi 11 janvier 2020

Dies irae

J'ai hésité à écrire ce billet mais il faut que ça sorte.  Beaucoup trop de déclarations, de postures, m'exaspèrent en moment, dans la rue, à la télévision ou à la radio. Et que l'on ne me réplique pas que je suis un soixante-huitard attardé : en 68, j'étais encore bien jeune, à la campagne, et n'ai eu aucun contact avec ce mouvement de protestations.

Aujourd'hui, la bienpensance règne de plus en plus en maître dans les médias français ou dans les pensées de beaucoup. Et c'est justement ça qui m'énerve.

Dans les années soixante-dix/quatre-vingt, quand je me rendais à Paris, il était de bon ton, dans certains milieux cultivés, de parler d'un écrivain à la mode alors : Gabriel Matzneff, un dandy dont les écrits (le Journal) suscitaient non pas le rejet mais une certaine excitation, celle de la transgression de l'interdit. Comme on me le conseillait fortement, si je voulais faire partie d'un certain cercle de lecteurs snobinards, évidemment je ne lus pas et ne le regrette toujours pas aujourd'hui.

Et voilà que maintenant, après avoir été adulé, il est porté aux gémonies, parfois par les mêmes qui l'encensaient autrefois. Il est de bon ton maintenant de lui cracher dessus. Pivot est accusé de l'avoir invité à Apostrophes en 1990 et exprime "ses regrets". François Busnel fait de même l'autre soir en introduction de La Grande Librairie. Assumez, Messieurs ! Je suppose que, si vous l'avez invité, c'est que ses écrits doivent malgré tout avoir une certaine valeur littéraire (je répète que je ne l'ai pas lu). Gallimard suspend la publication de son Journal : se rendent-ils compte seulement aujourd'hui de ce qu'il contient ? Il faudrait aussi mettre dans le placard, pour des raisons certes différentes, Céline, Drieu La Rochelle et Brazillac. Et que dire, pour la même raison cette fois-ci, des romans de Tony Duvert, que j'ai lu, lui, et qui sont d'une beauté époustouflante (en particulier Quand mourut Jonathan et L'Ile atlantique). Que l'on me comprenne bien : je ne suis vraiment pas en train de faire l'apologie de la pédophilie, qui me répugne. J'ai fréquenté des jeunes gens pendant toute ma carrière, je n'en ai jamais, au grand jamais, même effleuré un. J'ai pourtant été troublé parfois, rarement, par la beauté de certains mais j'ai toujours laissé ce trouble au rayon esthétique. Non, ce que je ne peux plus supporter, c'est la pensée unique de notre époque, cette bienpensance cauteleuse que tous doivent adopter, pour paraître "normaux" ou pour faire de l'audimat.

Il en est de même pour le féminisme à outrance. Je reconnais que, si j'étais femme, je supporterais très mal, l'attitude de certains "bœufs" qui se croient drôles et confondent virilité et vulgarité. Leur attitude les rend ridicules sans qu'ils s'en rendent compte. Mais n'en est-il pas de même avec certaines femmes qui, loin d'essayer de recréer un lien sain entre les deux sexes, attisent les braises de façon tout aussi ridicule ? Un exemple : l'émission de Giulia Foïs, Pas son genre, sur France Inter. Ce vendredi, le titre en était "Quand le genre s'invite en cuisine". On n'y cessait de répéter que, dans le domaine culinaire, les femmes grandes cuisinières étaient absentes. A aucun moment (de ce que j'ai accepté d'écouter), la journaliste n'a évoqué ce qui a fait de Lyon la capitale gastronomique de la France : les Mères. La Mère Guy, surnommée la Génie (matelote d'anguille) la Mère Brigousse (Tétons de Vénus, des quenelles en forme de seins), la Mère Brazier (six étoiles pour deux restaurants), la Mère Vittet (dont le restaurant à Perrache avait un tel succès qu'il ne fermait jamais et n'avait même pas de serrure), la Mère Léa (tablier de sapeur et gratin de macaronis),  la Mère Bizolon( la "maman des Poilus), la Mère Fillioux (poularde demi-deuil), la Mère Jean (lyonnaiseries), la Mère Biol, qui lui succéda (gratin de cardons).....

La plupart des émissions ne sont plus là pour nous informer mais pour nous embrigader : je ne veux voir qu'une seule tête, et surtout qu'un seul cerveau ! Et gare à celui qui s'écarte du dogme ! Quelle horreur !

Voilà, c'est dit. Je respecte profondément les femmes et les enfants (comme tout être humain d'ailleurs), ce sont les cons et surtout les hypocrites que je n'aime pas.

12 commentaires:

Cornus a dit…

Tu as raison de pousser une "gueulante". En ce qui me concerne, je ne connais absolument pas l'auteur dont tu parles, ni la plupart de ceux que tu évoques ensuite sauf Céline dont je n'ai pu lire son voyage au bout de la nuit, illisible à mes yeux (à 18 ans). Quant à l'émission de France inter, je ne crois pas la connaître, en particulier l'épisode que tu as entendu.

Pippo a dit…

J'ai connu un pédophile sympa, admis avec bienveillance dans un "cercle de culture et de loisirs" homo. Qu'il était malheureux.
Aujourd'hui, j'apprends qu'un franc-maçon, soupçonné de pédophilie, travaillerait comme gardien de prison en Indonésie ...
Mais je voudrais répercuter un bout d'interview de l'actuel président du parti socialiste :
- Irez-vous voir le dernier film de Roman Polanski consacré à l'affaire Dreyfus ?
- Si j'avais le temps, certainement. Je crois qu'il faut faire une nette différence entre un homme et son oeuvre. Sinon, on ne pourrait plus lire Céline.

Bleck a dit…

Clap clap clap clap clap et clap...

Bleck

CHROUM-BADABAN a dit…

Matzneff, si je me souviens, dans les années 70-80, tenait une chronique dans le journal Le Monde. Il y a quelques jours Le Monde lui a craché dessus en se gardant bien de rappeler qu'il avait été un collaborateur régulier de ce journal !

L'écrivain, sans grand intérêt, est un mec de droite, style homo de droite, sûr de lui et de sa supériorité, qui amusait et dédouanait les imbéciles de réfléchir, croyant trouver là une pensée originale, ce que Matzneff n'avait aucunement. *

Mais c'est pas nouveau. Combien d'artistes proclamés en tous genres usurpent la place publique par des oeuvres qui n'en sont pas ? Parce qu'être artiste, et peut être encore plus aujourd'hui, c'est d'abord occuper une place avant d'offrir une oeuvre : et ça m'les coupe toujours autant !

Quant aux mères cuisinières lyonnaises, c'est le premier truc qui m'est venu à l'esprit en commençant ton article ! Aujourd'hui on ne met plus en avant le coté mère-nourricières, mais il y a tout autant de femmes géniales que d'homme en grande cuisine !
C'est peut-être le Michelin qui devrait se féminiser !

Cornus a dit…

Je ne connais pas bien les mères lyonnaises en cuisine, mais le gratin de cardons, on va en manger un dans pas longtemps (on en en a déjà mangé un entre Noël et Jour de l'An).

Calyste a dit…

Cornus : moi non plus, je n'apprécie pas Céline, à cause de son style. Il faudra que je réessaie.

Pippo : je n'ai pas encore vu le film de Polanski mais ce ne sont pas les bienpensants qui m'empêcheront de le voir dès que je pourrai. J'approuve entièrement ce qu'a dit le président du parti socialiste, qu'il soit belge ou français, ce que tu ne précises pas.

Bleck : mais hélas pas de clap de fin pour ces conneries.

Chroum : J'aime ta férocité plus incisive que la mienne dans tes trois premiers paragraphes.
Quant aux mères, peut-être leur cuisine n'est-elle pas suffisamment sophistiquée pour ceux dont tu parles dans ces trois premiers paragraphes....
Faudrait-il alors parler de Guide Micheline ?

Cornus : je ne pourrais malheureusement pas te les faire connaître car elles sont quasi toutes décédées mais leurs traditions culinaires restent bien vivantes. A la moelle ou au jus, le gratin de ardons ?

Calyste a dit…

A tous : merci à vous d'avoir réagi. Je me sens bigrement moins seul ce soir.

Cornus a dit…

Calyste> A la moelle + béchamel + emmental râpé, le tout gratiné.

Calyste a dit…

Cornus : l'eau m'en vient à la bouche !

Cornus a dit…

Calyste> Il en reste. Tu peux être là demain midi ou soir ! :-)

Pippo a dit…

< Calyste : Il s'agit du président du parti socialiste belge francophone, Paul Magnette, professeur de science politique à l'université libre de Bruxelles, bourgmestre de Charleroi.
< Cornus & Calyste : Chanceux que vous êtes. Depuis le 14 août, je souffre d'une sensation de sécheresse buccale. Un neurologue a supprimé un médoc, qui d'ailleurs était sans effet. Je viens de redemander un RDV. Le goût des aliments n'est pas altéré, mais le plaisir de manger a disparu.

Calyste a dit…

Cornus : il va falloir les congeler alors. Mais je m'en souviendrai quand je monterai vous rendre visite.

Pippo : je ne le connais mais soutiens ardemment ses propos.
Pauvre homme ! Victime d'une malédiction antique, comme le roi Midas ! Je plaisante mais cela ne doit pas être drôle !